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Voilà ce que j’appelle un roman : une grande et belle histoire, avec des pirates, des chercheurs d’or, des planteurs de canne à sucre, du vent (autant en emporte), de la sueur et des larmes, de l’amitié, des trahisons, du désir, de l’amour. Des routes de poussières, puis de béton. La gloire, l’argent. Mais où est le bonheur ? Des fausses routes, et peut-être à l’horizon le bout du tunnel… Un magnifique portrait de femme, qui mène sa vie contre vents et marrées. Miguel Bonnefoy ne peut sans doute pas renier le « réalisme fantastique » déjà vu chez ses confrères écrivains sud-américains, auxquels on pense en lisant Sucre noir, comme Le Voyage d’Octavio, son précédent roman.
Si les écrits de Victor Segalen (1878-1919), pour l’essentiel publiés après sa mort - toujours pas élucidée, mais finalement assez romanesque, dans une forêt bretonne -, sont parfois « complexes, fin de siècle, élitistes », le récit de Jean-Luc Coatalem est très beau, limpide, poétique, comme d’ailleurs ses autres récits ou romans « voyageurs ». Ici il s’adresse directement à Segalen : « je vous ai aperçu la première fois, Victor, et c’était il y a longtemps… » comme dans une longue lettre très respectueuse, et ça donne une grande et belle tenue au récit.
Ce
récit est un portrait de Segalen, pour ne pas dire une biographie, qui traite de ses voyages, de sa vie, des femmes de sa vie, de ses convictions, de ses travaux ethnographiques, de son œuvre poétique et romanesque. Et en cherchant ce qui le rapproche de Segalen, en mettant ses pas dans ceux de ce voyageur qu’il a pris pour mentor, Coatalem fait aussi un peu son propre portait. Leur rencontre est logique tant ils ont des points communs : bretons, Brestois, écrivains, voyageurs, la Polynésie, Gauguin, et la conviction qu’il n’y a de réel sans imaginaire, et « qu’il ne faut pas rester mais vagabonder » si possible hors des sentiers battus.
Au début de ce roman (court, écrit dans un style vif) l’auteur décrit la vie quotidienne dans un quartier de Bruxelles, Molenbeek, une femme qui marche, voilée, un homme qui, d’un regard, en fait sa future épouse, la famille et les voisins complices. Une sorte d’histoire d’amour mais sans amour. Juste avec des règles, des conventions que Fawzi a apprises sans les comprendre, et dont Fatima veut se libérer, avec une idée derrière la tête. Mais ce qui peut se concevoir et s’appliquer dans un quartier de Bruxelles, n’est pas applicable dans un autre. On imagine ce qui va se passer. Mais les pistes vont se brouiller. Et c’est l’engrenage dans lequel tout le monde va se tromper, ou être trompé. Entre trahison et incompréhension, le dénouement est tragique. Pourtant, rien ne colle avec la « doctrine », sauf pour les « experts » du terrorisme qui vont démontrer le contraire. Si cette histoire ne renvoyait pas à des événements réels et douloureux, on pourrait parler de tragi-comédie.
Un écrivain raconte comment il a vécu une difficile période de sa vie : le cancer de sa femme, et le deal passé entre eux : pendant que l’une luttera pour sa guérison, l’autre terminera son roman. Un objectif, un combat conjoints. Puis, dans une sorte d’hallucination, le récit devient roman avec l’histoire de Nicolas, compositeur, et de Mathilde, sa femme atteinte d’un cancer. Ils vont mener le même combat : « produire de la beauté », c’est-à-dire une symphonie et une guérison, au milieu d’un environnement pas toujours très accueillant devant la maladie et la mort, au milieu de gens déjà « morts dans la vie » contre ceux qui sont encore « en vie dans la vie ». Roman (c’est écrit sur la couverture) très fort. D’une part parce qu’il traite d’un thème difficile : la maladie et la peur de la mort. D’autre part par le style de l’auteur, qui mêle passages rapides, saccadés, et monologues, méditations, le tout sur plusieurs niveaux, tantôt sombres tantôt lumineux, qui font que l’on passe du noir à la lumière, puis encore du noir, puis la lumière…
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