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La Shoah en Roumanie a pu être caractérisée comme une Shoah « oubliée » et son historiographie comme un « trou noir ». Ces trous et ces oublis ont découlé, sans aucun doute, de l’influence de l’historiographie communiste roumaine sur celle des pays occidentaux. Pour les discours officiels roumains, il n’y aurait pas eu de Shoah dans un pays qui aurait protégé ses Juifs, et la responsabilité aurait pleinement incombé aux Allemands.
La réalité est toute autre et ce volume est là pour en témoigner. Oui, il y a eu une Shoah en Roumanie et elle fut, très majoritairement, une Shoah roumaine. Une violente législation antisémite, promulguée dès 1937, s’est durcie en 1940. Même si les initiatives liées à la déportation et à l’extermination des Juifs ont pu porter les marques distinctives de l’entreprise nazie, leur mise en œuvre et leur exécution ont relevé pleinement du fascisme roumain, qui d’ailleurs les a revendiquées sans équivoque.
Les Roumains n’ont-ils pas eu leur Führer – le Conducator Ion Antonescu –, leurs Einzatzgruppen – les unités de gendarmerie roumaines qui ont fonctionné pendant toute la guerre comme des unités de tueries mobiles – et leurs Aktionen – menées de manière si brutale que même les Allemands en furent choqués et déclarèrent que le problème juif, dans ces régions, avait été placé en de « mauvaises mains ».
La Shoah en Roumanie avec ses trois périodes (de septembre 1940 à janvier 1941 ; de février à juin 1941 ; de juillet-août 1941 à la fin de la guerre) a été le théâtre, à chaque stade, de massacres de Juifs parmi les plus massifs de la Seconde Guerre mondiale. Ceux-ci restent pourtant largement méconnus : les pogroms de Bucarest (plusieurs centaines de Juifs) et de Jassy (entre 13 000 et 15 000 victimes), les massacres d’Odessa (plus de 30 000 victimes), de Bessarabie et de Bucovine (entre 45 000 et 65 000 victimes), enfin les déportations en Transnistrie (avec un nombre de victimes de 250 000 Juifs roumains, 200 000 Juifs ukrainiens et 15 000 Tsiganes), un territoire que le régime du maréchal Antonescu considérait comme son « dépotoir ethnique », avec par exemple les meurtres de masse de Dumanovka (20 000 morts) ou de Bogdanovka (environ 50 000 victimes).
C’est la mémoire de ces massacres – dont la mise en œuvre a été souvent très atypique : marches de la mort, extermination par la faim, par le feu, etc., qui sera le cœur de ce volume, qui en analysera les multiples facettes et leur impact dans la Roumanie d’aujourd’hui.