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Nul mieux que mon camarade Samir (1945-2017) ne définissait lhistoire du Liban. Son nom de famille, Frangié signifiait français, Franc. ?Mais alors, tu es plus français quun Français ? le taquinait-on. ?Comme tous les Libanais! ? surenchérissait-il. Fils dun ministre, neveu dun président de la République, lui-même, sur le tard, député mais surtout intellectuel révolutionnaire. En pleine guerre civile (1975-1990), il avait pris parti contre les caciques de sa propre communauté chrétienne-maronite.
Il vouait sa cause à une nation une et indivisible. De conflagrations en malédictions, son peuple empilait, de décennies en quinquennats, les calamités les plus hallucinantes. Pauvre Liban, se lamentait-on. Pas Samir. Nombre de sa parentèle, de ses compagnons, de ses voisins avaient fini massacrés. Son coeur saignait mais sa jugeote sensemençait. Nest-ce pas ainsi que se sont forgées toutes les républiques impérissables? Lâme libanaise na jamais cessé dêtre.
Ne reste plus quà lui donner un corps. Et il est dit: ?Tu enfanteras dans la douleur ?. Il ny a dâme que de cocktail. Cocktail Molotov, cocktail capiteux, cocktail de bienvenue. Jésus plus Mahomet plus Moïse plus Druzes plus Khomeyni plus génocide arménien plus Ottoman plus Arabe plus Amérique plus France égalent Liban. Supprimez un ingrédient, adieu lespérance. La France de Samir Frangié effacée, tout prendrait un autre visage.
Lhistoire, apprend-on, sarc-boute sur le factuel, lattesté. Jy ajouterais volontiers le sentimental. Entre la France et le Liban, quelques épisodes militaires, des pincées de business, nont pas fait empire. Bien plus profondément que le général Gouraud, Molière, Camus et leurs apôtres ont lentement tissé, sans publication de bans ni célébrations, toutes les mailles dun énigmatique mariage damour. Les sempiternelles scènes de ménage nont fait quétayer le cercle de la demeure familiale.
Les cataclysmes aidant, ne reste plus quà mettre en blé la dernière pierre de la nation plurielle, sa pierre angulaire est à portée dhistoire. Et pourquoi la Ville lumière nen serait-elle pas le catalyseur. Au ciel, Samir Frangié en sangloterait de bonheur.