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C'en est assez de voir les textes de Ramuz (1878-1947) goûtés en vase clos, comme des historiettes locales. La lecture réaliste - et par là régionaliste - de son œuvre a en effet laissé longtemps dans l'ombre l'essentiel des innovations qu'il a tentées en littérature. Un Paul Claudel, un Jean Giono, un Henri Barbusse n'ont pas eu besoin qu'on les leur explique deux fois... De Céline à Robert Pinget, les plus grands raconteurs d'histoires de ce siècle ont insisté sur l'apport formel et thématique de Ramuz et nous invitent à dépasser les lectures référentielles pour interroger l'univers et le ton si singulier construit par l'écrivain.
Aller jusqu'à sa langue, complexe, sans fin retravaillée en vue du rythme, qu'il nommait l'inflexion. Aragon y rêvait comme à une mystérieuse langue naturelle, " le ramuz "... " Ouvrir l'accès du langage aux réalités sensibles pour lesquelles il n'y a pas de mots tout faits, donner force d'expression aux objets simples dont la présence est opaque et muette, écrire - plutôt que décrire - un geste ou un paysage dans leur apparition indécomposable : telles sont les exigences que cherche à satisfaire l'art très volontaire et très obstiné de Ramuz " écrit Jean Starobinski dans ce numéro d'Europe qui voudrait ouvrir la voie à une image plus complexe de cet écrivain considérable.