Un corps qui souffle, s'essouffle, souffre, s'engouffre dans une courte plainte. le temps qui file, la vie qui défile, défie la maladie. L'amour, l'exil, l'oubli comme exutoire. " Mon corps est un corps qui tousse. Qui s'essouffle et s'asphyxie. C'est une toux qui vient de loin. de l'enfance" (page 8). Un village natal qu'on expectore. "Cracher. Cracher la toux qui blesse le thorax" (page 19). Loin, le plus loin possible. Quitter ce monde étriqué, découvrir l'exil, l'asile d'un autre corps, les premiers émois. Des fragments de mémoires qui jaillissent comme des quintes de toux, sortes d'exercices
respiratoires pour apaiser le corps.
Après des errances égrotantes, des années d'oubli, le narrateur vient clore son combat au 10 chemin de la Résistance, dans un champs de ruine quasi-abandonné, délaissé aux eaux du Léthé. Issue fatale pour une existence de souffrance, d'angoisse, de vertiges. Dans un sanatorium en déliquescence envahit par cette eau, le dernier souffle, la dernière nuit s'étalent. Les souvenirs se fissurent, se confondent noyés par cette humidité oppressante, omniprésente. Seuls moments de paix, Sabrina, la fantasmatique Trieste généreuse, accorte et opulente comme le corps de cette aimée que l'asthme lui enlèvera.
Dans une écriture fragmentaire, elliptique, les espaces s'ouvrent et se ferment à volonté, embrasant mélancolie et solarisation de cette Italie des ancêtres, de Bracca ce village maudit, oublié par nécessité. Cette maison natale, îlot de souffrance, ce lieu moisi, étouffant et qui demeure néanmoins le souvenir le plus vivace.
Sébastien Berlendis nous raconte l'histoire des veines, des nerfs, de cette toux souffreteuse. Un livre court sur l'asthme, le souffle, le souvenir qui s'étiole, se mélange, se noie. "Après l'accalmie de la fin de l'adolescence, les crises reprennent. Mon corps perd de sa vigueur et l'asthme m'assiège de nouveau. Ma poitrine s'accroche encore au désir de vivre avant de tomber dans l'irrespirable. Elle ne parvient plus à imaginer des lieux de paix et je mélange les hôpitaux, les centres thermaux, les maisons de repos, la géographie du nord de l'Italie" (page 79).
Le photographe nous livre des portraits succincts, tout en sensualité et poésie, une élégie entre ombre et lumière au refrain lointain de l'éveil du corps, du désir…
Respiro
"Mon corps est un corps qui tousse. Qui s'essouffle et s'asphyxie" L'asthme rythme ses jours et ses nuits. On étouffe, on respire et à chaque fois quelle sensation, quelle libération ! Souvenirs après souvenirs, on se bloque ou on se libère et se dessine une carte de l'Italie pour enfin vivre, respirer. Un oncle émancipateur, premier amour et un véritable apprentissage à la vie, à la liberté... Les mots du corps qui blêmit et se creuse mais aussi un corps qui respire et s'ouvre. Alors que l'auteur revisite les ruines de la maison parentale, son esprit revisite la vie qui fut la sienne et cette maladie qui lui imposa une règle de vie mais aussi l'exila vers une autre vie, la sienne, loin de la maison familiale et d'un paysage humide et rude. Trieste devient synonyme de liberté et de découverte et les lacs du nord, le lieu du partage d'un mal qui ronge et parfois tue. On avance dans ce récit par une série d'instantanée absolument bouleversant dans une langue magnifique, la respiration de l'auteur devient la nôtre et l'on éprouve tout autant que la libération devient lumineuse....