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En janvier 1953, Roger Blin crée En attendant Godot devant les quelques spectateurs du théâtre de Babylone ; la pièce, qui devient aussitôt l'emblème du " théâtre de l'absurde ", fait en quelques années le tour du monde : elle est considérée aujourd'hui comme un classique du XXe siècle.
En près de cinquante ans, le regard que nous portons sur elle a profondément changé : nous n'y cherchons plus de " symboles ", mais ne finissons pas d'en explorer les signes ; plus qu'à la hantise du vide et à la thématique de l'absence, nous sommes sensibles à la présence des corps et à la réalité des objets.
Derrière le trop fameux " dialogue de sourds ", nous entendons aujourd'hui un mode subtil et musical de communication. Bref, l'absurdité a laissé la place à l'ambiguïté, et l' " antithéâtre " nous apparaît comme le théâtre par excellence, qui fait triompher le jeu, sous toutes ses formes.
L'histoire des mises en scène le montre : les " clochards métaphysiques " intemporels et désincarnés n'ont cessé de se rapprocher de nous, pour devenir nos intimes et nos contemporains.
Et ce qui nous frappe chez ces vagabonds qu'on disait " à bout de souffle ", c'est leur inépuisable énergie : à l'image de tout le théâtre de Beckett, En attendant Godot représente à sa façon le " triomphe de la vie " (Giorgio Strehler).