Quel est le pouvoir de l'opinion publique, cette voix du peuple, nébuleuse et protéiforme, sur la décision d'envoyer l'armée - ou de n'en rien faire - sur le théâtre des opérations ? Telle est la question sans cesse reposée à l'occasion de chaque nouvelle crise internationale. Or, que l'on reconnaisse ou que l'on dénie à l'opinion toute influence en matière de décision stratégique, on ne peut que constater une générale suspicion à son endroit. Forcément versatile, l'opinion publique ? Nécessairement irrationnelle ? Evidemment infantile lorsque, c'est selon, elle pleure ou ignore les réfugiés, les expatriés, les morts ? Pourtant, et quelle que soit l'ambivalence des décideurs politiques à son égard, peuvent-ils s'affranchir de son soutien, au moins tacite, lorsqu'il s'agit d'engager la France ? L'auteur de cet essai a voulu en savoir plus en interrogeant les personnages clefs : Hubert Védrine, Alain Juppé, Pierre Messmer, bien d'autres encore, disent leur perception et leurs attitudes face à l'opinion qui, alimentée et relayée par les médias, a progressivement rogné l'atmosphère de confidentialité feutrée des lieux du pouvoir. En identifiant la nature de l'opinion publique, en établissant le recensement de ses diverses influences lors des conflits ou interventions en Ex-Yougoslavie, en Somalie, au Rwanda et plus récemment en Afghanistan, cet essai éclaire, finalement, ce qui se joue à la frontière des prérogatives respectives et volontiers conflictuelles de la démocratie et de la raison d'Etat.