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Si la légende n'a fait de Joachim Murat (1767-1815) qu'un flamboyant cavalier alliant le courage à l'élégance, l'histoire a plutôt retenu son échec politique final. Comme il arrive souvent, la vérité du personnage est plus complexe.
Sous le fils d'un simple aubergiste du Lot et sous le révolutionnaire de 1793 perçait un ambitieux avide de jouer un rôle, bientôt capable de faire donner la troupe contre les émeutiers parisiens en 1795, plus tard, en Brumaire, d'apporter à Bonaparte - qu'il avait servi en Italie et en Égypte - une aide décisive.
Du Caire à Moscou, il accompagna Napoléon à peu près partout et fut de toutes les victoires et conquêtes des Français ; ses exploits lui valurent dès 1800 d'épouser Caroline, sœur du Premier Consul, de faire partie de la première fournée des maréchaux de l'Empire (1804), de recevoir ensuite le grand-duché de Berg (1806-1808), enfin le trône de Naples (1808-1815) où il sut, en s'entourant d'artistes et en rassemblant de magnifiques collections, donner du lustre à sa fonction.
Cet homme qui ne fut jamais un traître en vint à œuvrer pour l'unité italienne et bien sûr prit ses distances avec son beau-frère, lequel ne voyait en lui qu'un exécutant.
Sans pourtant se dérober jamais aux grands commandements militaires qui lui furent confiés, il finit par négocier avec les adversaires de la France. Mais sans doute il n'en fit pas assez en matière d'opportunisme, puisque ceux-ci ne lui pardonnèrent pas de s'être porté au secours de l'Empereur durant les Cent-Jours. Il succomba avec le panache qu'on lui avait connu sa vie durant.
La biographie de Jean Tulard rend justice à l'un des plus magnifiques héros de l'épopée napoléonienne.
Un livre peu stimulant
Jean Tulard est sans doute le spécialiste de Napoléon et de sa période le plus productif et certainement l'un des historiens les plus remarquables dans ce domaine, mais il est un point commun dans tous ses livres à destination du grand public: un style d'une pauvreté vraiment regrettable.
C'est sans aucun doute le cas de cette biographie de Murat. C'est là un personnage flamboyant, grand cavalier, meneur d'homme avec peu de pareils. Mais mon Dieu, que ce texte lui rend mal hommage!
Qu'on s'entende bien, à mon goût le style de Tulard n'est pas sec (ce qui serait à la limite un moindre mal dans un travail scientifique d'historien professionnel ), il est simplement mauvais. Murat brille, et pour le montrer Tulard s'empêtre dans des formulations pesantes et sans grâce qui, vraiment, nuisent à la bonne intelligence du texte.
Au reste, le fond de l'ouvrage n'est pas sans défaut non plus. On a le sentiment assez net que Tulard a été près de tomber dans le travers de nombreux biographes: la tentation de faire de leur personnage le pivot de l'histoire de leur temps. Heureusement, l'auteur nous épargne cela mais il donne à Murat une place assez peu claire dans son temps, comme si il gonflait un peu trop une baudruche pour la rendre visible à coté de la présence écrasante de Napoléon... Il me semble ainsi qu'il est excessif de chercher à faire de Joachim Murat une tête politique dans son royaume de Naples, ce que Tulard s'échine à faire, mais ce faisant il rend les ministres italiens de Murat plus intéressants que Murat lui même! L'homme n'en ressort pas grandi. Généreux sans doute, brave incontestablement, mais aussi frivole, peu conscient de sa place, traitre explicite puis rallié pour le combat du désespoir: il joua tous ces rôles, ensemble fascinant, mais Tulard ne parvient pas à donner à la psychologie de ce personnage la moindre épaisseur. On est promené de scène en scène sans que l'homme prenne beaucoup de relief.
Au final que reste-t-il? Un livre très documenté et précis sur les faits comme le sont tous les livres de Tulard, mais pénible à lire, et bien en peine de rendre son sujet intéressant. On pose le livre avec soulagement mais aussi, plus grave, sans avoir l'impression d'avoir appris grand chose.