Hier soir je me suis promenée sur le plus bizarre et le plus petit âne que jamais être chevaleresque n'ait osé monter. Quand il est arrivé à la porte, notre propriétaire français, qui se tenait à son côté, a dit avec beaucoup de politesse et de gravité, qu'en cas d'accident Mademoiselle pouvait le mettre dans sa poche. Je crois que ma crinoline le cachait complètement... "Ainsi Margaret Maria Brewster, fille d'un éminent philosophe et scientifique écossais, ami de Lord Brougham, partait à la découverte du pays. Miss Brewster, une femme courageuse et moderne, a 33 ans quand elle vient passer la saison à Cannes et à Nice, d'octobre 1856 à mai 1857. Dans son livre amusant et jusqu'ici inconnu en France, elle note et commente avec gaieté et enthousiasme les menus détails de la vie courante - les costumes, la nourriture, les domestiques, les occupants des châteaux et des villas, les cultures, les bains de
sable, les douanes au Var, la vie dans la rue à Nice, les lavandières et les monastères, les patois et le nizzard. Elle visite les prisonniers bédouins sur l'île Sainte-Marguerite, découvre les ruines de vieilles chapelles sur l'île Saint-Honorat et fait des excursions avec ses amis à Grasse, Le Cannet, Antibes, Golfe Juan, Vallauris, Villefranche et la Napoule, un village déserté. Elle rencontre la barouche de l'impératrice de Russie dans les rues de Nice, - son père est reçu par le roi de Sardaigne, - les loups ont mangé les poules de Lord Brougham... ainsi elle nous fait revivre la saison entière. En arrivant, elle visite Saint Esprit, Avignon, Aix, Brignolles, Saint-Maximin, Vidauban et Fréjus : et, au retour, Marseille, Arles et Nîmes. Ses descriptions de la mer, des Alpes, de l'Esterel et des campagnes figurent parmi les plus belles jamais écrites sur la région. Ces lettres s'inscrivent ainsi dans la tradition établie par un autre célèbre Écossais, Tobias Smollett, "Lettres de Nice 1763-1765".