Avec le Souffleur de nuages, Nadine Monfils nous entraine à nouveau, comme avec son dernier roman le rêve d'un fou, dans l'univers de ceux qui ne s'expriment pas en pleine page mais choisissent de créer leur monde dans l'une des marges.
Franck le chauffeur de taxi sans histoires (on pourrait le voir comme tel mais des histoires il en a à ne pas savoir qu'en faire), rencontre Hélène, la vieille dame que d'aucuns jugeraient indigne (mais qui ne l'est pas du tout indigne).
Leur rencontre va provoquer une déflagration dans leur vie en les confrontant à cette réalité qu'ils souhaitaient
au plus profond d'eux-mêmes mais qu'ils ont toujours fui. Par peur de ne pas savoir, de ne pas pouvoir vivre cette vie rêvée.
Nadine Monfils en profite pour caser au passage quelques références bien senties et bienvenues dont elle aime à nous régaler :
Ainsi lorsque Franck nous parle des célébrités qu'il a transporté dans son taxi,
« La seule avec laquelle il avait bien ri était Dominique Lavanant. Elle était serrée dans une veste rose, trop courte. Il l'avait emmenée à l'enterrement de Mocky. Elle lui avait raconté qu'elle portait cette veste dans un de ses films et qu'il l'avait trouvée chez Emmaüs. « Avare, mais grand bonhomme ! Je l'adorais ! » avait-elle ajouté.»
Où, lorsqu'Hélène évoque la ville de Senlis chère à son coeur (je ne vous dis pas pourquoi),
«La maison dans laquelle il vivait est rue du Puits Tiphaine, à côté de celle de Séraphine de Senlis. Vous voyez de qui je parle ?
— Non. Je n'ai pas l'honneur de connaître cette dame, regretta Franck. Je devrais ?
— Vous n'avez pas vu le film avec Yolande Moreau ?
— Je n'ai pas beaucoup l'occasion d'aller au cinéma avec les horaires que j'ai. Dommage parce que j'adore cette actrice, elle est formidable.
— Oui ! Et c'est un très beau film ! Elle jouait le rôle de Séraphine Louis, dite Séraphine de Senlis. C'était une femme de ménage toute simple, orpheline à l'âge de 7 ans. Un jour, un critique d'art l'embauche et découvre qu'elle peint des natures mortes, des fleurs foisonnantes et très colorées, de la végétation tropicale et paradisiaque. Séduit par son talent, il décide de devenir son mécène.»
Un roman court (133 pages) du genre que l'on dévore et dont on sort la tête toute rêveuse et pleine de bonnes questions.
Il y a dans le titre le souffleur de nuages une reminiscence du Pelleteux de nuages dont les Canadiens affublent Jean-Baptiste Adamberg le commissaire de Fred Vargas.
Je concluerai cette chronique en reprenant ce que dit Chritian Bobin à propos du roman « J'ai lu votre texte ou plutôt je l'ai traversé de part en part, comme on traverse un pays étranger, sans jamais s'y sentir en exil.»
Impression confirmée.
Un livre à lire.
Une petite dernière à laquelle je ne peux résister :
« — Savez – vous comment on dit « je t'aime » en Belgique ? Je suis bleue de toi… »
Je suis bleu de Nadine, moi !
Le souffleur de nuages
Franck, chauffeur de taxi à Paris vit seul avec le chagrin du décès de son ami et confident, son chat. Un jour, son taxi va m'amener à croiser la route d'Hélène, une dame qui souhaite retrouver les lieux de sa jeunesse et de son seul amour. Nadine Monfils,comme dans le "rêve d'un fou", avec son talent d'écriture et de l'expression (comme savait le faire Audiard) nous offre des personnages simples, épris de liberté et d'amour.