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Joseph de Maistre (1753-1821) est passé à la postérité comme la figure majeure du réactionnaire. Victime d'une damnatio memoriae persistante dans l'imaginaire politique occidental, Maistre n'a cependant jamais incarné une pensée monolithique constituée dès l'origine. Le syncrétisme de sa pensée nourrie au fil des expériences historiques constitue au contraire la richesse du comte de Maistre. Ce magistrat savoyard, membre actif de la franc-maçonnerie mystique, s'intéressa de près à la redistribution du pouvoir au profit des Parlements au point d'être soupçonné tout au long de sa carrière administrative d'être un libéral déguisé.
La Révolution française qu'il analysait comme un retournement épistémologique radical de la civilisation occidentale, le trouva en travers de sa route. Les Considérations sur la France (1797) le signalèrent d'emblée sur la scène européenne comme l'un des premiers théoriciens de la contre-révolution. La Russie, où il fut ambassadeur de 1803 à 1817, lui permit d'exister par-delà sa mission diplomatique.
Il se fit avec succès l'apôtre d'un catholicisme revigoré comme garant de l'ordre politique auprès d'une partie de l'aristocratie de Saint-Pétersbourg. Mais son immixtion dans la politique russe et son apostolat " laïc " envahissant lui suscitèrent cependant la rancoeur du tsar versatile et le retour dans la mère-patrie. Avec Du Pape (1819), dont le succès fut loin d'être immédiat, Maistre jeta comme un défi à la tête des monarchies restaurées la papauté comme l'ultime garant de l'ordre politique de monarchies mises à mal par la tourmente révolutionnaire.
Malgré son échec à l'échelle de sa vie, Maistre garde toute son épaisseur historique pour avoir refondé l'indissolubilité des liens nourriciers et dangereux entre le pouvoir et le sacré.