Qui sont les travailleurs d'aujourd'hui ? Des professionnels autonomes et des responsables qui collaborent à des organisations en réseaux
ou des prolétaires soumis au harcèlement de petits chefs qui leur font subir des cadences infernales ? Peut-on encore appeler " travailleur indépendant " l'artisan chauffeur routier qui adhère à un contrat " spot " lui imposant ses marchandises, ses horaires, ses conditions de travail et son prix ? De même, les agents des services publics peuvent-ils concilier
" mission d'intérêt général " et " primes au rendement " ? Le " portage salarial " est-il une nouvelle forme de salariat ou un modèle
" d'indépendance protégée " ? Les médecins exercent-ils toujours une " profession libérale " lorsque le nombre, la nature et la rémunération
de leurs actes sont soumis au contrôle de leurs tutelles ? En droit, c'est l'existence d'un rapport de subordination entre le donneur d'ordres et l'exécutant d'une prestation qui permet de distinguer le travail salarié du travail indépendant et de qualifier un contrat de " contrat de travail ". Outre le bénéfice de la sécurité sociale des salariés, l'enjeu de cette qualification n'est autre que l'application du droit du travail dont la fonction, longtemps,
a été de protéger la partie faible au contrat, autrement dit le travailleur. Communément répandue, cette analyse est aujourd'hui perturbée par les métamorphoses que connaissent les formes d'exercice du pouvoir,
dans la sphère publique comme dans l'entreprise privée. Cet ouvrage met à contribution dix-huit chercheurs, juristes, historiens et sociologues qui, deux années durant, ont travaillé à une meilleure
compréhension des évolutions des formes de contrôle et d'autonomie dans le travail, et à leurs conséquences sur la nature, sociale aussi bien que juridique, des relations de travail. Il permet de faire le lien entre des situations aussi diverses que l'intérim, les groupements d'employeurs, la sous-traitance ou les conventions de sous-entreprises, tout en intégrant des exemples plus classiques de salariat, tant privé que public, ou de métiers indépendants. L'ouvrier de la grande industrie, l'artisan chauffeur, le fonctionnaire, l'animateur sportif, l'agriculteur et le médecin constituent ici des figures exemplaires illustrant l'idée selon laquelle, loin de se diluer, la subordination devient d'autant plus contraignante qu'elle se cache sous de multiples visages.