Quatre nouvelles articulent le texte. En premier lieu, l'auteur construit l'histoire de ses deux grands-pères morts avant d'atteindre la trentaine, qu'il aurait ardemment désiré connaître. L'un méridional qu'il surnomme " Le Chinois ", l'autre le vendéen, " l'Explorateur ". A l'un la partie droite de la mappemonde, à l'autre la partie gauche. Qui n'a pas rêvé devant la photographie d'un ancêtre du début du siècle... " Ma seule façon de leur être fidèle était de les impliquer régulièrement dans les aventures innombrables que je racontais plus tard à mes enfants ". Olivier, deux générations plus tard, est le personnage principal des " Culottes courtes ". Il tient son journal, et c'est ici que nous rejoignons le style autobiographique. L'enfant plein de santé est élevé par sa mère tuberculeuse dans l'ambiance feutrée et pour lui privilégiée d'un sanatorium des Alpes. A quinze ans, pendant la dernière guerre, il se réfugie dans le sud ouest chez de riches cousins, et consigne sur son journal l'avancée de l'armée allemande. En pleine adolescence, il plonge dans une résistance d'abord à sa mesure puis qui bientôt devient très sérieuse " ils n'étaient plus de simples participants à un grand jeu ". Si j'ai gardé pour la fin, la nouvelle de " La montre éclatée ", c'est parce qu'elle se compare en émotion, en véridicité, en beauté, à bien des pages célèbres sur l'enfer des tranchées de la guerre 14. 16 avril 1917 - 20 juin 1917, deux mois de survie insoutenable, de sentiments exacerbés, peur, douleur, horreur, amitié, d'un engagé de dix-huit ans, qui se révélera si proche, proche de l'auteur, certes, mais aussi proche de nous. Le style est vif, soutenu, les descriptions, la nature violée, labourée, les hommes, les hommes hachés, tranchés, le courage, la couardise, le temps qui passe. On ne repose pas le manuscrit. On s'essuie les yeux pour poursuivre plus vite d'un trait. C'est époustouflant. Magnifique.
(Marie Hélène CHERVEL)