Si la quête de savoir est une disposition naturelle, tels la faim, la soif ou le sommeil, elle est comparable à tout besoin vital. En quoi peut-on alors la penser comme une vertu ? Cette pulsion si largement partagée est aussi paradoxalement le signe de ce qu'il y a de singulier en l'homme : faillible, dérisoire, périlleuse, jamais assouvie, limitée par le temps qui reste. Pour avoir été tant fustigée, en quoi la curiosité est-elle subversive, quel ordre trouble-t-elle ? Ni coupable, ni innocente, elle n'est pas non plus au-dessus de tout soupçon. Si elle inquiète, c'est qu'elle s'affranchit elle-même de toute entrave au nom d'un savoir qui serait " bon en soi ". Comme toute passion, la curiosité pose la question des limites, justement parce qu'elle est sans limite. Ailleurs, avant, autrement : le savoir se constitue, circule. Il arrive aussi qu'il se fige ; capitalisé, honorifique, il tourne sur lui-même séquestré à son insu. S'il y a un élan, une ampleur dans le désir de savoir, celui-ci trouve écho dans le geste du passeur : faire savoir et laisser découvrir, découvrir et dépasser, acquérir et transgresser.