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Dans La belle échappée, Nicholson Baker crée un univers parallèle au sein duquel les visiteurs occasionnels peuvent, moyennant un tarif élevé, assouvir leurs plus extravagants désirs. Le point de départ de son nouveau roman tient en effet au fait qu'un certain nombre de personnes ordinaires, moyennement satisfaites de leurs sorts, disparaissent par des portes - sèche-linge, tunnel, trou de golf, etc., - et se retrouvent dans un parc à thème baptisé La belle échappée.
Le livre s'ouvre sur la découverte par la jeune Shandee, d'un avant-bras appartenant à un dénommé Dave. Ce membre autonome a des exigences - il demande à être entretenu et nourri - mais procure aussi des avantages : il peut apporter une satisfaction sexuelle, et il ne reste pas du tout indifférent à la souplesse et à la douceur du corps de Shandee. On apprend assez vite que l'apparition du bras de Dave est le fruit d'une amputation temporaire et volontaire acceptée par ce dernier en échange de son entrée dans La belle échappée, une " sex resort " très coûteuse mais où tous les fantasmes féminins et masculins sont stimulés, sinon assouvis.
Les moyens d'accès à cet univers parallèle sont divers : certains y parviennent en cherchant à se débarrasser de tatouages encombrants, d'autres en répondant à une petite annonce, d'autres encore en s'introduisant dans le sèche-linge d'une laverie automatique, en pénétrant à l'intérieur d'une sculpture en bois (un corps de femme) créée par une artiste japonaise. À l'inverse de la plupart des grandes multinationales, L'échappée belle est dirigée par une certaine Lila dont la devise est " mon plaisir est votre plaisir ".
Chaque chapitre conte ainsi une expérience différente, illustrant le caractère étrange, surprenant et divers de la libido humaine. Au fil des pages, on découvre l'éventail des divertissements proposés par l'établissement, dont les " masturbateaux ", le " berceau-vulve ", les " levrettes alignées " et cette " salle de velours " où les compositeurs Borodine et Rimski-Korsakov pratiquent un massage de pied à l'aide de leurs génitoires.
Certains hommes acceptent aussi de se faire temporairement couper la tête et de servir sexuellement des femmes. Il est donc logique que le récit se termine par une grande fête dont l'un des buts est de remettre ensemble les membres (phallus, mains, têtes...) avec les corps respectifs qui avaient été privés de ces appendices. C'est ainsi que la jeune Shandee du début fait la connaissance de Dave au grand complet : le bras de Dave retrouve le reste du jeune homme et le désir de ce dernier pour Shandee est immédiat.
Pour lecteurs (et -trices) adultes et averti(e)s
J'ai beaucoup aimé l'idée d'associer fantasy et littérature érotique, je me suis donc lancée dans La Belle Echappée. Vendu au rayon littérature étrangère, l'éditeur précise "roman grivois" sur la couverture. En fait il s'agit réellement d'un écrit pornographique, d'ou le titre de ma critique...
Une fois le livre refermé, 2 constats s'imposent à moi. Le premier est que l'écriture est belle, avec de délicieux néologismes, de la légèreté et une imagination sans bornes. C'est très bien fait, lumineux. On est loin de la pornographie crasse de certaines plumes à scandale... Bref, La Belle Echappée est une réussite, vous l'avez compris. Mais un second constat s'impose ensuite : une fois l'effet de surprise passée, je me suis un peu lassée malgré tout. C'est un phénomène étrange qui me saisit à chaque fois que je tente une incursion en littérature érotique, qui n'est finalement pas ma tasse de thé !
Bilan en demi-teintes, donc. Mais sans aucun regret.