Né à Brooklyn le 13 septembre 1939, Joel-Peter Witkin est le fils de Max Witkin, descendant de juifs ukrainiens, et de Mary Pellegrino, descendante de catholiques italiens. Il est le frère jumeau de Jerome qui deviendra peintre et pour lequel, tôt dans sa carrière, il fera des photographies servant d'études préparatoires à ses œuvres. Le troisième de ces triplés, une fille, ne survivra pas.
Witkin est impressionné à vie, dès l'âge de six ans, par la première "expérience visuelle" qu'il gardera définitivement en mémoire, à savoir la vision d'une tête de petite fille, victime d'un terrible accident de la circulation, qui roule sur la chaussée avant de s'arrêter dans le caniveau, face à lui. Il achète son premier appareil photographique à seize ans et réalise sa première prise de vue en fixant un rabbin qui prétend avoir vu Dieu. Cette image marque "le début d'une vie consacrée à la photographie". Il reconnaîtra plus tard qu'il s'intéressa certainement à l'image fixe parce qu'elle pourrait lui donner la preuve de l'existence dont il avait besoin. Après avoir travaillé dans différents studios et laboratoires, il devient photographe au sein de l'armée (1961-1964), où on lui demande notamment de photographier diverses sortes de cadavres. De retour à New York, il gagne sa vie en tant qu'assistant : photographe indépendant et, grâce aux cours du soir, étudie la sculpture à la Cooper Union School of Fine Art. En 1974, il obtient son diplôme de Bachelor in Fine Arts ainsi qu'une bourse en poésie à l'université de Columbia, qui témoigne de son goût pour la littérature, qui perdurera. En 1975, il quitte New York pour Albuquerque (Nouveau-Mexique) où Il étudie l'histoire de la photographie et obtient son Master en 1976. Il titre sa thèse Revolt against the Mystical. Il épouse en juin 1978 Cynthia Jean Bency qui sera la mère de son unique fils, Kersen Ahanu. Les époux divorceront en 1999. Au début des années 1980, sa maturité artistique permet à Witkin de trouver en même temps sa voie et une audience internationale. Il maîtrise désormais les outils de l'art et devient un maître de cérémonie aussi expérimenté qu'exacerbé. Les expositions se multiplient en Europe (Paris, Amsterdam) et aux Etats-Unis (San Francisco, New York, Atlanta) pour gagner bientôt le monde entier (Japon, Allemagne, Portugal, Grande-Bretagne, Suède, etc.). Il réalise lui-même ses épreuves dont il numérote et limite les éditions. Ses œuvres sont présentées notamment au Centro de Arte Reina Sofia (Madrid, 1988), au Centre national de la photographie (Paris, 1989) et au Guggenheim Museum (New York, 1995). Plusieurs livres et catalogues sont publiés, dont Joel-Peter Witkin (Twelvetrees press, 1985), le numéro 49 de la collection Photo Poche (Centre national de la photographie 1991), Joel-Peter Witkin (Scalo Publishers et Guggenheim Museum, 1995) et The Bone House (Twin Palms Publishers, 1998). En France, après avoir été présenté par la galerie Texbraun (1982), Witkin est représenté par la galerie Baudoin Lebon depuis 1986. L'exposition et le livre Joel-Peter Witkin, disciple et maître permettent, à l'occasion des soixante ans de l'artiste, de mettre son œuvre dans une perspective photographique qui, parmi d'autres, l'éclaire. L'accrochage et la publication confirment que cette œuvre se situe à la croisée de l'histoire d'un art qui, mutatis mutandis, s'avère essentiel, et d'un destin personnel hors du commun.