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Pour les besoins d'une biographie d'Alain Robbe-Grillet, Catherine, sa femme, a recherché ses vieux agendas et retrouvé par la même occasion plusieurs cahiers d'écolier dont elle avait oublié l'existence : il s'agit en fait d'un journal, qu'elle commence fin 1957, au moment de son voyage de noces, et arrête sans crier gare en novembre 1962. Elle y relate les menus faits du quotidien mais aussi ses rencontres avec les auteurs du Nouveau Roman et avec les figures littéraires de l'époque, leurs démêlés, leurs luttes de pouvoir.
Elle y raconte l'élaboration de L'Année dernière à Marienbad avec Alain Resnais, le tournage, à Istanbul, de L'Immortelle, le premier film de Robbe-Grillet, l'écriture de son roman Dans le labyrinthe, etc. Elle évoque, bien sûr, Jérôme Lindon, les éditions de Minuit, la guerre d'Algérie, le manifeste des 121 et nombre d'événements qui font l'actualité du temps. Comme dans tout journal intime, destiné, au départ, à rester secret (même son mari n'en a pris connaissance que récemment), elle y consigne sans précaution les aléas de sa vie sentimentale, sexuelle, et ses jugements sur ce qui l'intrigue, la choque, l'ennuie.
Elle ne ménage rien ni personne, pas même son ego.
Presque mariée sans le savoir pour toujours
Notre société aurait bien du mal à regarder de ce côté là pour enrichir sa nature civilisée. En effet, faire lire Catherine Robbe-Grillet sentirait plus que le souffre, on serait au bord de l'apoplexie dans ce moment hystérique où la bêtise s'auto-électrise. Et pourtant, je soutiens qu'en plus du classique rendez-vous avec le curé si vous suivez la méthode classique, il serait bon de glisser discrètement à la jeune mariée "jeune mariée" de Catherine Robbe-Grillet et cela même si en effet ça sent le souffre. Pourquoi parce qu'il sera toujours temps que la future se forge un caractère et s'assume et que par un habile jeu de miroirs, effet garanti, que la vie, les mœurs si particulières de cette écrivain interroge notre novice sur les choses du mariage et les choses plus intimes qui la regarde. De cette institution, lucide et à l'écoute d'elle même et malgré son affection particulière, elle n'en fera jamais une geôle sinistre et stérile. Le lettré pourra aussi y puiser le journal d'une époque, d'un milieu artistique et éditoriale.