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" Le voilà qui arrive. "Il Babbo". Il n'a rien d'italien, c'est ma mère qui l'est à moitié. C'est elle qui l'a surnommé ainsi pour nous. Avec l'accent, en tirant sur le "a". J'aime le sobriquet. Aux heures claires, il sent le babillage et la bulle savonneuse. Aux heures sombres, il claque comme une sentence enfantine : "Pas beau ! " " Une semaine sur les routes de France, entre le Var et Paris, dans le sillage d'une vieille bagnole en bout de course.
Il Babbo conduit. Sur le siège passager, son fils scrute le rétroviseur où défilent les souvenirs d'enfance, caprices et coups de poker de ce père au destin sinueux et spectaculaire. Qui est-il ce Babbo, cet homme jovial et interlope : idéaliste patenté ou escroc aux heures de bureau ? Et qui est vraiment ce narrateur ? Plus un adolescent, pas tout à fait un homme. Ce voyage, seul à seul, est un moment rare.
Père et fils s'observent, se toisent, se cherchent. Le long des départementales, c'est le poids des silences et des non-dits que l'auteur convoie, et l'histoire d'une famille française, en creux, qu'il explore. Au fil des kilomètres, se croiseront l'Afrique et Barbara, Musclor et Stefan Zweig, des généraux soviétiques chez Tati, Lee Harvey Oswald et le porno.
Le benjamin
"En vingt ans de vie commune, je n'ai jamais connu mon père". Et si ce voyage en Fiat 500 pour la remontée du Sud à Paris en était l'occasion. Une échappée qui rapproche, éloigne les autres le temps d'une mise au point, d'en saisir quelques aspects toujours fuyants mais sûrs."Lui le retraité, moi l'étudiant". Un road trip donc pour se mettre à la bonne distance, côtoyer l'animal, l'accabler et le protéger aussi, l'aimer tel qu'il est. Pour faire le portrait, suivre un plan, un corps à corps ou ce qui échappe, ce qui ne trompe aussi personne, saisir ce qui se dégage et le chercher un peu. Et puis laisser son regard attraper quelques bribes d'un voyage presque connu, région après région et revenir à son sujet, ne pas le lâcher. Chercher ce qu'il a laissé aussi en soi, en avoir peur parfois, partager musique et livre ne suffit pas pour cerner le personnage. Marquer sa sédition et ne pas hésiter à expérimenter pour relater aussi un songe étrange survenu sur ce parcours du descendant. Agrémenter le tout d'un panthéon personnel fantasque et loufoque de grands losers, laisser conter, tenter un portrait-vérité sans en rajouter, c'est déjà pas mal. Quel joie et quelle expérience, ce premier roman plein d'habileté, de témérité et de retenue ! Une pensée pour Jean-Marc Roberts qui une dernière fois éditait le mauvais fils, un fils de famille qui comprend sa singularité mettant sous la bleue (collection chez stock) encore un fils, un benjamin, un premier roman à plébisciter. Un portrait à la bonne distance, un road trip intime et singulier...