En 1976, près de la petite ville pétrolière d’Odessa au Texas, une adolescente d’origine mexicaine, Gloria Ramirez, échappe de peu à son violeur et réussit à se traîner, ensanglantée, jusqu’à la ferme de Mary-Rose. Cette mère au foyer prend courageusement la défense de la jeune fille, d’abord fusil en main lorsque l’assaillant la poursuit, puis au tribunal où elle entreprend de témoigner. Mais, dans ce sud ségrégationniste et sexiste, opinion publique et justice penchent forcément en faveur des blancs et du machisme.
Elizabeth Wetmore excelle à nous plonger dans
l’atmosphère particulière, mélange d’âpreté, d’oppression et de désolation, qui baigne cette ville de bout du monde, perdue dans le désert. Exsangue sous les assauts de la poussière, de la chaleur et de la crise économique, elle se retrouve soudain l’épicentre d’une fièvre pétrolière aussi miraculeuse que désastreuse. Ses terres désormais dévastées et souillées, empuantie par les émanations mortifères, elle est envahie par une faune assoiffée de dollars, masculine et célibataire, manne providentielle mais également source accrue de violence et d’insécurité. Aux dures et dangereuses conditions de travail des champs pétrolifères répondent excès en tout genre, cautionnés par la loi du plus fort, en l’occurrence blanche et conservatrice, qui continue, en ces années soixante-dix, à s’imposer en droite ligne de l’époque du Far West.
Au-delà de la terrible histoire de Gloria et de l’impunité de son agresseur, c’est à son impact sur ses témoins que s’intéresse le récit, dans une succession de portraits psychologiques où la rébellion s’achève dans l’impuissance et la folie, et où le désespoir se mêle à la résignation. Femmes vouées à la vie morne d’épouses et de mères de famille soumises, accédant au mieux à des emplois subalternes qui les exposent quotidiennement à la grivoiserie et aux agressions ; Mexicains en situation plus ou moins régulière, trimant pour à peine survivre, constamment sur la brèche de l’expulsion ; ancien du Vietnam, condamné à la marginalité et à la misère pour être revenu handicapé : tous n’ont d’autre choix que de partir ou d’accepter un ordre social ségrégationniste et sexiste qui a totalement et inextricablement façonné mentalités et institutions.
Cette vaste fresque qui prend le temps de camper en détails ambiance et personnages, monte peu à peu en puissance pour atteindre un paroxysme de tension, proprement haletant, sur son dernier quart. Elle s’achève sur l’amertume d’une conclusion noire et désespérée : le constat d’une iniquité inébranlable, tant ses racines sont profondes, et tant elle gangrène les bases mêmes de la société américaine de l’époque, comme encore sans doute celle d’aujourd’hui. Elizabeth Elmore impressionne par l’ampleur et la profondeur de ce premier roman.
Une iniquité inébranlable
En 1976, près de la petite ville pétrolière d’Odessa au Texas, une adolescente d’origine mexicaine, Gloria Ramirez, échappe de peu à son violeur et réussit à se traîner, ensanglantée, jusqu’à la ferme de Mary-Rose. Cette mère au foyer prend courageusement la défense de la jeune fille, d’abord fusil en main lorsque l’assaillant la poursuit, puis au tribunal où elle entreprend de témoigner. Mais, dans ce sud ségrégationniste et sexiste, opinion publique et justice penchent forcément en faveur des blancs et du machisme.
Elizabeth Wetmore excelle à nous plonger dans l’atmosphère particulière, mélange d’âpreté, d’oppression et de désolation, qui baigne cette ville de bout du monde, perdue dans le désert. Exsangue sous les assauts de la poussière, de la chaleur et de la crise économique, elle se retrouve soudain l’épicentre d’une fièvre pétrolière aussi miraculeuse que désastreuse. Ses terres désormais dévastées et souillées, empuantie par les émanations mortifères, elle est envahie par une faune assoiffée de dollars, masculine et célibataire, manne providentielle mais également source accrue de violence et d’insécurité. Aux dures et dangereuses conditions de travail des champs pétrolifères répondent excès en tout genre, cautionnés par la loi du plus fort, en l’occurrence blanche et conservatrice, qui continue, en ces années soixante-dix, à s’imposer en droite ligne de l’époque du Far West.
Au-delà de la terrible histoire de Gloria et de l’impunité de son agresseur, c’est à son impact sur ses témoins que s’intéresse le récit, dans une succession de portraits psychologiques où la rébellion s’achève dans l’impuissance et la folie, et où le désespoir se mêle à la résignation. Femmes vouées à la vie morne d’épouses et de mères de famille soumises, accédant au mieux à des emplois subalternes qui les exposent quotidiennement à la grivoiserie et aux agressions ; Mexicains en situation plus ou moins régulière, trimant pour à peine survivre, constamment sur la brèche de l’expulsion ; ancien du Vietnam, condamné à la marginalité et à la misère pour être revenu handicapé : tous n’ont d’autre choix que de partir ou d’accepter un ordre social ségrégationniste et sexiste qui a totalement et inextricablement façonné mentalités et institutions.
Cette vaste fresque qui prend le temps de camper en détails ambiance et personnages, monte peu à peu en puissance pour atteindre un paroxysme de tension, proprement haletant, sur son dernier quart. Elle s’achève sur l’amertume d’une conclusion noire et désespérée : le constat d’une iniquité inébranlable, tant ses racines sont profondes, et tant elle gangrène les bases mêmes de la société américaine de l’époque, comme encore sans doute celle d’aujourd’hui. Elizabeth Elmore impressionne par l’ampleur et la profondeur de ce premier roman.