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" Un homme encore jeune, c'est-à-dire pas tout à fait ; toujours en forme ; souligne-t-on au cas où certains petits détails auraient dit le contraire, soliloque dans un bar, dessine sur une nappe – il est comédien reconnu, un temps même très connu en interprétant le rôle de Cyrano. Depuis, "à vue de nez", tout va bien, sauf que dans les divers rôles qu'il interprète, sa petite ou la grande histoire qu'il traverse, Cyrano est là, en coulisses, sur scène et dans la vie – après trois cents représentations, au théâtre Mogador en 1983, il le rejouera dans une version intime conçue par sa femme, interprétera De Guiche dans le film légendaire de Jean-Paul Rappeneau puis le mettra en scène avec de jeunes acteurs.
Ce n'est pas une maladie qu'il veut soigner, mais une enquête inassouvie jusqu'alors qu'il veut poursuivre... il décide d'"aller plus loin que le bout de son nez". Cyrano accompagne la mémoire nationale et touche le coeur de chacun. On y aime d'abord le clairon et les pizzicatis des larmes et bien souvent on laisse traîner dans sa tête le désir vague de retrouver la clef d'une énigme apparue si claire le temps de la représentation.
Une enquête, c'est tous les moyens mis à votre disposition, aussi bien ceux de la littérature, du retour sur le lieu du crime, au coeur du texte et des représentations, ADN des hommes et des rôles, mais aussi ceux d'une retraite à la campagne ou en bord de mer où le regard d'une vache, celui d'Eric Tabarly ou d'un poisson mort ouvrent d'autres pistes.
WEBER, mon émotion dans la sienne
Pour moi qui ai véritablement découvert le CHef-d'Oeuvre d'Edmond Rostand CYRANO de BERGERAC, lors de sa rediffusion théâtrale télévisée de 1984 interprétée par Jacques Weber, je me devais de lire le livre de celui qui, plus que moi-même pourtant en adoration devant, d'une part le génie de Rostand et d'autre part, la grandeur amoureuse et batailleuse de Cyrano, s'est fait dévorer corps et âme par son personnage.
Jacques Weber nous fait partager après sa montée au zénith lors des premières représentations, sa descente lente et incompréhensible. Ce n'était pas Cyrano le problème, les salles toujours combles, la foule en liesse, avide de tirades, mais lui, l'acteur ; après avoir joué plus de 300 fois son personnage, peut-être la fusion était-elle au point qu'il n'était plus que LUI, le "rimeur, bretteur, physicien, musicien, et quel aspect hétéroclite que le sien", possessive, dévorante, cannibale. Weber a vécu comme une lente mort, une sorte d'arrachement entre Lui & Lui, au point d'oublier son texte sur scène, au point d'être perdu, vide... insomnies, alcool, il a bien sûr enchaîné tous les ingrédients qui vous font couler plus vite.
Cependant le livre est plein d'humour et d'une certaine clairvoyance sur lui-même (à fortiori je suppose) qui font que certains aveux sont vraiment savoureux. Pourtant Weber signe-là une sorte de repentance touchante, mêlant théâtre et vie privée, où là encore, la différence est ténue. Son regard sur le monde, ses peurs nous ramène aux nôtres et on s'interroge à deux.
Un bon moment pour ma part, et comme je le dis souvent d'un livre témoignage, ce n'est pas de la grande littérature juste un partage avec l'auteur, à la terrasse d'un café, ou en coulisses parfois, ou plus théâtralement au quotidien, où ses anecdotes sont légion. Les moments que j'ai préféré sont ceux où il s'introspecte pour comprendre avec dérision, détachement, ses creux et vagues liés à cette période qui restera pour lui à coup sûr un coup sur son... Panache !