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"Je vous dois la vérité en peinture et je vous la dirai." Ces
mots sont écrits par Cézanne au temps où il peint ses dernières
Sainte-Victoire. D'aucuns ont voulu penser que ce dernier,
resté fidèle à la figuration, n'avait osé franchir le seuil de
l'abstraction que Malevitch, Mondrian ou Kandinsky allaient
dépasser, désignant un monde nouveau. De quelle
annonciation alors la peinture voulait-elle être le signe dans un
temps où, selon le mot de Hölderlin, les dieux "se détournaient
de l'Homme" ? Loin des "Annonciations" du Moyen Age, de
la Renaissance et de l'époque baroque, de quel mystère la
peinture pouvait-elle être encore témoin à l'époque où
Baudelaire demandait au peintre de la vie moderne de
décrypter dans le présent la trace d'un idéal perdu, et celle où
Nietzsche décrivait le Crépuscule des Idoles ? De fait,
s'enchaînait un processus pictural, parti du néo-classicisme…
jusqu'à l'abstraction, laquelle permettait de nouvelles
expressions figuratives de l'Homme, loin de toute référence à
Celui que précisément l'Annonciation désignait dans une
tradition séculaire : le Christ incarné comme parfaite Image du
Père.
Cézanne s'inscrit dans ce parcours comme un maillon au
même titre que Van Gogh, Gauguin ou Monet, mais plus que
cela, il reste "notre père à tous" selon un mot de Picasso.
Mieux encore "le bon dieu de la peinture" selon Matisse.
Certes, il est le peintre qui ouvre les voies de l'abstraction ;
mais, par-delà l'abstraction, il refonde la peinture en la
définissant comme une "réalisation" : celle de l'infigurable à
nouveau figuré ?