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Triste
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Emouvant
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XXe siècle
Outre-Atlantique est un roman en forme de poupée russe, ou plutôt, il fonctionne en nous livrant plusieurs poupées les unes après les autres sans nous expliquer immédiatement de quel jeu il s’agit. Du coup, nous sommes un peu perplexes au début du livre, et nous ne comprenons pas bien de quoi il est question. Mais peu à peu, nous réalisons que l’intrigue est en marche : quels sont les liens entre ces personnages si différents ? quel est cet homme dont la moitié de la tête fut arrachée durant la seconde guerre mondiale ? que s’est-il passé sur le champ de bataille ? Nous découvrons
d’abord Martin, qui fut abandonné à une boulangère française lors de la Libération, et qui a suivi sa famille adoptive lorsque celle-ci a déménagé en Californie. Puis nous passons à Monsieur Hugo, que son visage arraché a isolé du monde, mais qui s’occupe de son petit voisin lorsque sa mère a trop de travail, et l’initie à la lecture. Il y a aussi cette jeune femme aveugle, dont le grand-père vit en Angleterre, et qui fut toute sa vie éperdument amoureux de sa femme, Harriet, même lorsqu’il faillit mourir sur le front. Quelles sont alors les relations entre tous ces personnages ? Si l’intention de l’auteur est assez floue au début, lorsque tout se met en place nous sommes à la fois saisis et émus par la beauté d’une telle reconstitution.
Outre-Atlantique parle de la guerre, d’une façon pudique et touchante. Il n’est pas question d’en décrire les atrocités, ou de faire vivre au lecteur des scènes violentes écrites mille fois. Certes, les événements évoqués sont parfois cruels, mais la cruauté est toujours passée lorsqu’elle entre en scène, le mal est un écho ou un une trace refroidie depuis longtemps. Tout a déjà eu lieu, et les personnages arrivent toujours après le pire, ce qui les sauve d’ailleurs, mais permet surtout à l’auteur de se concentrer sur autre chose, à savoir le lien entre les êtres, leur capacité à avancer malgré tout pour se reconnaître avant qu’il ne soit trop tard.
Il s’agit d’un roman qui a un peu de mal à nous captiver dès le début, mais qui se met en place lentement pour pouvoir enfin se révéler dans toute sa beauté.
L'effet papillon de nos actions...
Un grand merci à Entrée livre et aux librairies Decitre pour m'avoir, dans le cadre de l'opération "Coups de cœur des lecteurs", offert l'opportunité de découvrir ce livre en avant-première.
Derrière un titre traduit peu engageant qui n'évoque pas grand chose à l'inverse de l'intitulé original The illusion of separateness (L'illusion de la séparation), se cache un livre à la construction subtile. Tellement subtile qu'il est aisé de passer à côté et de ne pas accrocher. Mais à condition d'être concentré et de ne pas hésiter à remonter le fil des courts chapitres pour bien les relier entre eux, ce récit gigogne se révèle un véritable petit morceau de romantisme, de philanthropie voulant croire au lien entre tous les hommes. Sans doute un peu naïf, mais tellement tentant qu'on se plaît à le rêver vrai ne serait-ce qu'un instant.
Il est important à mon sens de partir averti à l'assaut de cette lecture tant sa mise en place très graduelle - pour ne pas dire lente - peut s'avérer déstabilisante. La quatrième de couv' n'expliquant pas la règle du jeu, le récit peut laisser incrédule en faisant se suivre des textes et des personnages sans rapport apparent avant la moitié du livre. Mais une fois le principe intégré, le casse-tête n'en est plus un et tout se met en place avec force émotions : l'on comprend que ces manifestes étrangers les uns pour les autres ont, parfois par le hasard le plus fugace, tous un lien déterminant entre eux, un rôle interactif sur leurs destinées respectives.
Au lecteur de reconstituer le puzzle, de remettre les pièces de ce jeu de construction dans l'ordre, au fil des flashback entre la Seconde Guerre mondiale, les années 60 et aujourd'hui, de la France aux USA en passant par l'Angleterre. Que les allergiques se rassurent ou les passionnés se détrompent, la guerre n'est ici qu'un prétexte à la coïncidence, il n'est nullement question de ses atrocités ni de réécrire des événements mille et une fois abordés. La pudeur est le maître mot de cette narration et prouve au contraire que la guerre peut aussi abriter des événements tendres et intenses.
Construit autour de l'incontournable question des origines et de l'indispensable travail de mémoire, ce roman choral s'ouvre sur le portrait de Martin, nourrisson à l'époque de la guerre qui connaît un début d'existence chaotique. C'est en découvrant les portraits de Monsieur Hugo, d'Amelia, de John et de Danny que l'on comprendra pourquoi et comment ces destins sont tous connectés. À la fois délicat et humain, ce texte rappelle au lecteur que le moindre des gestes peut bouleverser des vies entières. S'il n'est pas à proprement parler un incontournable de la rentrée, il offre, à condition d'adhérer au principe, un agréable moment de lecture.