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" Le caramel de la tarte Tatin dégageait une légère fumée au parfum de pomme chaude. Il collait à la fourchette d'argent dont j'ai sucé les dents une à une avec application. Dehors des trombes d'eau cinglantes s'abattaient sur Paris, mêlées de petits grêlons qui tambourinaient sur les carrosseries des voitures. Dehors, c'était la jungle hostile sous un ciel de mousson. J'étais bien au chaud dans mon creux de banquette et n'ayant qu'à commander pour voir se succéder devant moi les succulentes parts du gâteau des demoiselles Tatin.
Ces femmes complices de toutes les enfances gourmandes, je les imaginais très vieilles et très charmantes. Dehors, c'était l'eau pour toujours, un déluge dont je serais l'heureuse et unique rescapée. Une buée grise a bientôt recouvert les vitres du salon de thé, tirant ainsi le rideau sur l'extérieur. J'étais dans la douceur tiède et sucrée des tartes et des chocolats. Les demoiselles Tatin m'aimaient.
Dehors n'existait plus. J'aurais voulu que cela ressemble à l'éternité. " Claude Tardat est née au Maroc. Après des études de Lettres, elle participe pendant cinq ans à de nombreuses expériences théâtrales. Elle enseigne à présent le français près de Lille. Une mort sucrée est son premier roman.
Suicide assisté par absorption de sucreries...
Je viens de relire avec émotion un livre qui a beaucoup compté dans ma jeunesse, que j'avais recommandé, prêté, tant il m'avait plu et heurté. A nouveau je le recommande... Vous l'avez compris, c'est l'histoire d'une jeune femme qui ne veut plus vivre. Sensible, étudiante en littérature, assez solitaire et affublée d'une mère qui attend qu'elle devienne jolie (!), elle vit tout à son plaisir d'avaler gâteaux, chocolat, réglisse en rouleau et autres Kim Cônes... C'est décidé, elle mangera des sucreries jusqu'à en mourir... Ne vous arrêtez pas à la noirceur du sujet, le texte est magnifique...