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La souffrance des uns ne peut exister en dehors du regard des autres. Des portes closes, des greniers cadenassés, des coups que l'on étouffe, des cris que l'on muselle, des existences que l'on nie. C'est le destin de ces milliers d'Ares qui souffrent de la violence des hommes sans que personne ne leur tende la main. Parce que les autres ne savent pas, ne volent pas. Ou ne veulent ni voir ni savoir.
Ce destin, c'est celui de Raiden - Rage - qui tente de noyer sa souffrance dans celle des combats clandestins. Pour oublier la violence d'un père, la lâcheté d'une mère et les yeux d'un petit frère. C'est aussi celui de Kian, l'enfant du grenier. Kian qui n'a ni âge, ni nom, ni passé. Il n'est personne. Il n'est rien, si ce n'est trente années d'horreurs à lamais gravées dans sa chair. Mais il arrive que les destins se croisent et que, de l'avanie humaine, surgisse la plus pure des amitiés.
Quand deux âmes perdues se rencontrent derrière les portes d'un hôpital psychiatrique et tentent, avec cette rage de vivre qui est tout ce qu'il leur reste, de se reconstruire. Ou peut-être seulement de se construire autrement...
Une pépite qui m'a fendu le cœur !
Kian s'est recroquevillé à l'intérieur de lui-même, pour sauver ce qu'il subsistait de son être, de son esprit. Avec le temps, ce lieu connu de lui seul le garde prisonnier du reste du monde. Sa vie n'a été que méchanceté, douleur et supplice ; la bonté, l'amour, il ne connait pas. Pourtant, au fond des yeux de Raiden, il voit une souffrance semblable à la sienne et il s'y raccroche. Ce regard est un premier pas, un lien d'abord fragile mais bien réel. Le passé de Kian est perturbant, révoltant, bouleversant.
Raiden a vécu une enfance difficile, son frère était sa seule ancre. Il résistait pour lui. Alors quand il n'est plus là, rien ne le retient. En tout cas le croit-il, mais au fond de lui, n'a-t-il pas envie de vivre ? Ces nouvelles rencontres ont un impact irréversible, il découvre la vie, il se laisse porter par toutes sortes d'émotions, de sentiments nouveaux. Ce lien avec Kian, il ne le comprend pas. Il l'accepte et s'y raccroche lui aussi. C'est fort, intense, puissant, il ne peut y échapper.
Comment peut-on infliger une telle brutalité à ses semblables ? Et pourtant, le pire, c'est l'invisibilité, l'indifférence. Ce roman rend hommage à toutes ces personnes oubliées, souvent jugées (in)consciemment pour leurs actes sans chercher à en comprendre la raison.
L'auteure narre des faits horribles, mais elle le fait de manière grandiose. L'évolution du récit et des personnages est parfaitement dosée, lente mais certaine et surtout crédible. Malgré les difficultés, l'espoir persiste, infime mais indubitablement présent. On assiste à une construction de l'identité d'un être à part entière, indépendant, même si la trace du bourreau ne s'efface jamais.