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Ce court ouvrage, qui tient autant de l'essai cétologique que de la fantaisie littéraire, s'attaque à l'un des mystères les plus coriaces et les plus fascinants du règne animal : les bonds prodigieux qu'effectuent parfois les grands cétacés hors de l'eau.
Ce court ouvrage, qui tient autant de l'essai cétologique que de la fantaisie littéraire, s'attaque à l'un des mystères les plus coriaces et les plus fascinants du règne animal : les bonds prodigieux qu'effectuent parfois les grands cétacés hors de l'eau.
Beaucoup d'hypothèses ont été formulées à ce sujet par les biologistes du comportement, aucune n'a convaincu. L'auteur explore une piste personnelle et théorise sur ce que les baleines se tordant au-dessus de l'océan doivent à l'ennui et à l'absurde ; il invite à considé rer leur saut comme une victoire sur l'insupportable et comme une manifestation exemplaire de la plus haute des libertés. " Nous ignorons pourquoi les baleines et autres cétacés effectuent parfois ces sauts stupéfiants au-dessus des mers et des océans, mais les hypothèses ne manquent pas, elles se renforcent même du seul fait que la question n'a pas été tranchée.
On dit qu'elles bondissent dans les airs pour déglutir, se débarrasser de leurs parasites, communiquer, séduire en vue d'un accouplement, pécher en gobant, chasser en catapultant, fuir des prédateurs sous-marins comme l'espadon ou le requin, s'étirer, s'amuser, en imposer, ou encore ponctuer un message, une attitude. Aucune de ces explications ne convainc : fâcheusement partielles ou intolérablement saugrenues, toutes ont été contestées.
Comme c'est le cas face aux grandes interrogations métaphysiques, elles semblent toutes buter contre l'étroitesse du cerveau et de l'imagination qui les échafaudent. La question serait-elle insoluble ? [...] Ivresse, libération, secousse non moins absurdes, en dernier lieu, futiles, qui n'apaisent qu'un moment, qu'il faut toujours recommencer, et dont la baleine doit savoir en son for intérieur, dans ce magma d'instincts, de mémoire et d'analyse, la grande vanité.
Mais en un monde qui n'est que poussière d'étoile remuée dans un trou noir, la créature, même bardée de ses instincts, gènes et neurones, même flattée par l'héritage multi-millénaire de la sélection naturelle, peut goûter un acte aussi gratuit que la totalité dans laquelle elle baigne. Ainsi la baleine sauterait-elle quia absurdum, parce que c'est absurde ? "
Prix gens de mer 2015
Oui, pourquoi ?
72 pages que je n’ai pas voulu lire d’une traite ou, plutôt, d’une nageoire. Pour essayer de percer le mystère du saut des baleines, Nicolas Cavaillès ne convoque pas moins que Nietzche, Glen Gould, Dostoïevski ! J’ai appris, de façon très ludique et drôle, beaucoup de choses sur les cétacés, … mes connaissances en ce domaine sont voisines de zéro. Dans tous les cas, notons-le bien, les bonds s’offrent comme l’image d’une quête angoissée de liberté ; j’aime la théorie de la liberté. Quelques questions « métaphysiques » comme celle des limites des océans « Réclusion d’autant plus redoutable qu’elle est abstraite, ne se heurte-t-on pas constamment à l’impossibilité de se cogner contre quoi que ce soit ? » De temps à autre, j’ai côtoyé l’absurde comme l’explication de « la poussée d’Archimède exaspérée ». Un grand moment au pays de l’Absurdie.
Alors, pourquoi le saut des baleines ? Pour un grand moment de liberté, pour déglutir, pour séduire, chasser, s’amuser…. ? Toutes les théories se défendent. Mais chut, pourquoi tout analyser, rationaliser, expliquer. Laissons les baleines sauter pour leur plus grand plaisir et celui des privilégiés qui assistent à ces spectacles.
Nicolas Cavaillès qui dédie ce livre à Gennadi Gor, poète russe, utilise le nous et une écriture un brin surannée et quelque fois savante, toujours maîtrisée qui donne à cet essai un second degré très agréable, oui j’y ai vu du second degré.
Un livre surprenant, une lecture sautillante (c’est la moindre des choses puisqu’il y est question de sauts), brillante. Un très moment de lecture.
Déjà lu des éditions le Sonneur, dont j’aime la couverture sobre : « Comment lutter contre le terrorisme islamiste dans la position du missionnaire»et « Mousseline et ses doubles » de très bons moments de lecture.