En cours de chargement...
Poèmes d'un autre : un gros
volume (près de 400 pages), regroupant tous les poèmes de Stratis
Pascàlis, paru en 2003 aux éditions Metaikmio d'Athènes quand
l'auteur avait quarante-cinq ans : peu de poètes reçoivent si
tôt pareille consécration.
C'est l'occasion de relire Pascàlis, de confronter les étapes de
son parcours, ces huit recueils échelonnés sur vingt-cinq années.
L'auteur lui-même est surtout sensible à leurs différences, le tout
dessinant à ses yeux une ligne brisée, chaque nouveau recueil
s'écartant des précédents et l'ensemble, comme l'indique le titre,
lui paraissant l'oeuvre d'un autre.
Cela est surtout vrai, me
semble-t-il, des publications du début, comme si le poète avait
d'abord balisé les frontières de son domaine avant de se rapprocher
de son centre. Le lecteur français sera sûrement sensible à ce qui
rapproche déjà les deux grands premiers recueils :Cerisiers dans les ténèbres et Fleurs d'eau.
L'unité cachée de l'oeuvre, c'est dans Cerisiers. qu'elle
apparaît vraiment.
Des poèmes simples d'apparence, narratifs, évoquant les anciennes chroniques ou les contes ; un décor de
campagnes profondes, hantées par des forces archaïques, élémentaires, obscures ; des rêves, des visions, des prodiges
incertains, des révélations en forme d'énigme, ou alors le
silence ; le mystère partout et souvent, à la fin de
l'histoire, une soudaine bouffée d'infini.
Chaque poème, y compris dans les recueils suivants, apparaît
comme une nouvelle étape tâtonnante, une approche répétée, sous un
angle un peu différent, du même secret perdu ou pas encore
atteint.
Pascàlis est l'un des derniers poètes grecs, avec ses aînés
Ganas et Liondàkis, dont la poésie habite l'espace naturel et fait
revivre le monde paysan de leur enfance.
Son domaine à lui, c'est
Mitilìni, alias Lesbos, l'une des plus belles îles grecques, vaste,
mystérieuse, orientale, dont la riche végétation et la sensualité
ombrée de mélancolie imprègne ces pages sans que son nom soit
prononcé.
Voici un poète grec visionnaire de plus, dont l'oeil sait voir« le gouffre en jardin déguisé ». Une poésie qu'imprègne
le sens du sacré- au sens le plus large. Avec ou sans Dieu, on ne
sait : le monde que nous explorons là est sans repères :
très ancien et hors du temps, universel et intensément grec, ne
serait-ce que par ce mélange intime de souvenirs bibliques et
païens.
La poésie, pour un Grec, c'est sacré ; mais poésie et sacré
en Grèce, étant choses quotidiennes, se promènent sans
majuscule : quand Pascàlis lit ses poèmes, il y a dans sa voix
une ferveur intense, mais dépouillée de toute emphase - de quoi
rendre plus faux et ridicules encore certains déclamateurs français
qui parfois bousillent nos traductions.
Les versions françaises que voici ne sont qu'un maigreéchantillon, à peine un tiers de l'ensemble.
Je propose d'habitude
aux poètes de choisir eux-mêmes ce que je vais traduire. Souvent
ils refusent. Stratis Pascàlis a joué le jeu, le présent choix est
en grande partie le sien ; il me convient parfaitement.
MV (Lien -> http://www.volkovitch.com)