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Rien ne se fait comme ça. Il y a toujours une énigme. Cette
question : qu'est-ce qu'on fait là, chacun, devant l'immensité
du monde ?
Bruno Allain a une place singulière dans notre paysage
littéraire, pour ceux qui sont habitués à le voir surgir, toute
vie, lire ou proposer : au départ, une formation grande école,
ingénieur diplômé de Centrale. Et puis, à l'école même, la
découverte imprévue d'une passion qui l'emporte : le club
théâtre.
Alors, à peine lancé dans la vie professionnelle, il quitte son
emploi pour un rôle, puis un autre, et devient ainsi acteur,
théâtre, cinéma...
Et c'est de la scène qu'est née sa pratique de l'écriture.
Disposer sur scène de cette fascination qu'on peut avoir, à la
ville, pour ce qui se joue dans les paroles, dans le grand bruit
humain de ce par quoi les hommes s'approprient leur propre
condition.
Ici, avec ce fond pris à un bistrot du Paris populaire, on n'est
pas si loin de l'atelier de Nathalie Sarraute.
Mais Bruno Allain
s'y implante en saltimbanque : les paroles entendues sont
faites pour être redites, elles ont leurs césures, leurs
interruptions presque de sketch - le monde est devenu une grande
scène.
Et c'est bien ce qui se joue dans l'autre face du texte, avec sa
trimbale en métro d'un coin à l'autre de la ville, les souvenirs de
scènes et de tournée, les autres villes, de Prague à Saint-Herblain
avec crochets Afrique, on va là-bas pour les jouer, ces
paroles...
La France qui s'y dit n'est pas belle : il y a les lieux
communs, les préjugés, les pulsions racistes ou réactionnaires.
On
est dans cette tradition illustrée au temps de Balzac par lesScènes de la vie parisienne de Henri Monnier, ou le dessin à
gros traits de Daumier : parce que c'est cela aussi, dont nous
avons à faire matière. Et pas possible de s'en saisir sans
aimer : qui de nous pour ne pas avoir entendu, parfois même au
plus proche, un dialogue du genre - On est tous bougnoule. / -
Ah non. Il y a bougnoule et bougnoule.
/ - Il y a bougnoule
honnête. Reste à en faire ce jeu en vase clos où la langue va
s'affronter elle-même : risque, certainement. Mais lieu
nécessaire pour l'affrontement, et trop rares ceux qui y
retroussent les manches et vont au contact.
Bruno Allain n'a pas quitté ce territoire, où c'est la peau du
monde qu'on fouille. Ces dernières années, il s'installe en résidence dans un collège (Lien -> http://remue.net/spip.php?article98), toujours dans ce Paris
populaire du nord-est : on finira par considérer normal, lesélèves de 11 à 15 ans, qu'à côté du CDI, du conseiller pédagogique,
de la salle des profs et de l'infirmerie, il y ait la salle de
l'écrivain, où on vient pour écrire ou pour parler, pour un
atelier ou simplement son travail personnel...
Très impliqué dans l'asso des Écrivains associés au
théâtre, Bruno Allain (voir CV (Lien -> http://www.theatre-contemporain.net/biographies/Bruno-Allain/presentation/)) est aussi un des auteursélus au conseil d'administration de la SACD : c'est pour tout
cela rassemblé, cette implication, que je me réjouis de
l'accueillir.
FB (Lien -> http://www.tierslivre.net)