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Dans le voyage qu'on a commencé il y a 2 ans avec
publie.net, des textes nous hantent plus que d'autres. Une
rémanence d'images, le ton d'une voix, le poids de mémoire et le
lent déplacement des êtres... Alors, à mesure qu'on avance dans la
mise en page et les formats numériques, pas question de laisser ces
titres-là en arrière. Et celui-ci tient bigrement la relecture.
On vous propose donc de le (re)découvrir à neuf.
Et c'est bien
plus, temps, voix, mémoire, que ce que provoque en chacun de nous,
immémorialement, la Bretagne...
FB
Après une expérience d'enseignement, Nolwenn Letanoux a
birfurqué vers le cinéma, et tourne actuellement son premier long
métrage.
Juste au bord de la route qui longe la grève, il y a le dos
de la maison...
Ainsi commence chacun des 9 chapitres (proses, séquences,
incises ?) de ce texte très dense, et en même temps épuré,
uniquement concentré sur la présence des choses, des êtres.
On pense au dispositif de Histoire, ce roman de Claude
Simon, paru en 1967, qui retrouvait l'épopée de tout un siècle à
travers l'exploration minutieuse d'une maison, après décès de sa
dernière occupante.
Ici, on retrouve les guerres et leurs secousses, mais comme
discrètement, en arrière.
On retrouve plutôt l'écrasement qu'est le
monde d'aujourd'hui, le nouveau découpage instauré sur le village,
avec supermarché et ronds-points (ou ces minces maisons de
lotissements qui remplacent désormais celle-ci), et les habitants
partis pour la ville. Mais justement, parce qu'il y a moins, juste
ce mur de granit qui s'adosse à la grève, comme si d'un côté le
temps des hommes, de l'autre côté le temps de l'océan, on cherchera
des traces plus infimes, et elles nous diront peut-être, nous qui
les énonçons, les lisons, bien plus en profondeur.
Lequel ou laquelle d'entre nous pour ne pas porter ainsi, à
jamais, une maison associée à l'enfance, avec ses images précises,
et le temps nous en a séparé ? On pense àLa maison
rose, un des livres les plus forts de Pierre Bergounioux.
Même
le vocabulaire, l'attention qu'on porte à son accumulation, finit
par ressembler à ces gestes des personnages, dits avec la même
précision.
Il n'y a pas d'écriture qui ne soit expérience de la mort :
aller vers la maison, c'est les traverser, les morts. Le cimetière
aussi sera dit avec la même précision, cruches et points d'eau, et
le vent de mer sur le muret, ou la proximité de la route.
La maison s'abîme, la maison se vide, la maison a un temps
organique - en le perdant, que perdons-nous, non pas tant de
nous-mêmes, que de tout ce qui s'était accumulé du siècle dans
cette vie des humbles, que l'histoire ne recueille pas ? C'est
ainsi que l'écriture commence.
Nolwenn Letanoux enseigne dans la proche banlieue
parisienne.
FB (Lien -> http://www.tierslivre.net)