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Le point de départ d'un texte philosophique sur l'écriture de
Guyotat pourrait être la question de l'illisibilité de cette oeuvre,
avec tout ce que cela implique comme attention à porter notamment
sur le « dehors » du texte. L'illisibilité des textes de
Guyotat fait se porter l'attention en creux sur tout le dispositif
d'écriture-lecture qui borde cette écriture : en effet, étant
donné que les « trames narratives » sont sapées, tout
autant que la « psychologie des personnages » et que la
plupart des autres caractéristiques qui font d'un roman un texte
analysable, il n'y a pas d'autre choix que de s'interroger sur la
façon dont ces textes en sont venus à exister.
S'interroger sur
l'existence de ces textes revient en quelque sorte à s'interroger
sur leur matérialité, leur « vie », leur corps, leur
manière de « faire corps » avec le corps de leur auteur
au moment de l'écriture puis la façon dont s'opère la rupture
d'avec ce corps lors de l'édition, pour enfin en arriver à une
attention portée à l'acte de leur lecture, à la passivité réceptive
que celui-ci implique tout autant qu'un engagement« corporel » du lecteur dans cette matière verbale rendue
illisible notamment par l'excès d'affects qui la travaille.
L'hypothèse de travail de l'approche philosophique de
l'illisibilitéà l'oeuvre dans l'écriture de Guyotat qui sera tentée
ici est que cette illisibilité entretiendrait des liens étroits
avec diverses problématiques que l'on pourrait regrouper sous la
question du toucher.
En effet si un texte est délibérément fait
pour que son « contenu » ne soit pas maîtrisable, si ce
qu'il inscrit ne fait pas sens, ne fournit pas de signification
clairement identifiable, clairement « visible », en
somme, pourrait se poser la question de savoir à quoi ce texte« touche ».
Prendre la question du toucher comme fil conducteur de cette
approche de l'écriture de Pierre Guyotat devrait permettre de
penser la langue du point de vue de ce qui en trace les
limites : il s'agira de voir en quoi l'écriture de Guyotat« touche » aux limites de la langue, et en quoi ce« toucher » est un acte, une action.
Approcher l'écriture
de Guyotat en tant qu'action (action de toucher), en tant que
performativité (performativité de l'illisible, donc), devrait alors
permettre de dégager des enjeux éthiques qui seraient communs tantà cette pratique de l'écriture qu'à ce que l'on appelle le
toucher.
Dans un premier temps il s'agira donc, après avoir introduit à
l'oeuvre de Pierre Guyotat, de s'intéresser à diverses
problématiques liées à la question du toucher, puisque c'est cette
question du toucher qui servira de fil conducteur tout au long de
l'approche de cette oeuvre.
Pour ce faire, une lecture des parties
du Péri Psychès d'Aristote traitant de la question du toucher
servira de point de départ pour s'intéresser à certaines
problématiques ouvertes par Jean-Luc Nancy et par Jacques Derrida,
toujours à propos de cette problématique du toucher.
Dégager ces problématiques générales concernant le toucher
permettra alors de s'interroger plus spécifiquement sur certains
aspects de la pratique d'écriture de Pierre Guyotat, tels que son
rapport à l'abjection et son rapport à soi.
Il s'agira alors de
relier ces deux problématiques par le biais d'une approche du rire
souverain tel qu'il est thématisé par Bataille, puis de voir
comment il est possible d'articuler ce rire avec une approche de la
caresse telle que proposée par Levinas dans Totalité et Infini.
Cette approche du rire souverain et de la caresse devraient
permettre à la fois d'approfondir les enjeux du toucher à l'oeuvre
dans l'écriture de Pierre Guyotat, et d'ouvrir la problématique
vers ses enjeux plus spécifiquement éthiques.
Antoine Boute
Antoine Boute vit à Bruxelles, est bilingue et
propose ses lectures performances dans les deux langues française
et flamande.
Il a publié : aux éditions Mix (Paris) :« Cavales » (2005), « Blanche » (2004) et« Terrasses » (2004) ; aux éditions de l'Ane qui
butine (Lille-Mouscron) : « retirer la sonde »
(2007) ; aux éditions du Quartanier (Montréal) : une
co-écriture avec Ariane Bart : « technique de pointe -
tirez à vue » (2007).
publie.net propose simultanément, en formes brèves, sespolars
d'hiver.
Sur Pierre Guyotat, études, liens, bibliographie, on se
reportera au dossier de référence proposé par Dominique Dussidour
sur remue.net (Lien -> http://remue.net/spip.php?rubrique107).