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Ce numéro consacré au procès MC Ruby est issu d'une journée d'études organisée par l'Ecole Nationale de la Magistrature et l'Institut des Hautes Etudes sur la Justice en 1997 sur la suggestion de plusieurs experts. Composé de textes introduits par D. Salas et M.-M. Fernagut-Sanson, il tente de soumettre au regard des sciences humaines un procès exceptionnel à tous égards.
L'affaire MC Ruby fut en effet atypique à plus d'un titre : six marins ukrainiens y furent jugés devant la cour d'assises de la Seine-Maritime pour le meurtre de huit passagers clandestins africains au large du Portugal.
Les audiences eurent lieu dans trois langues différentes occasionnant approximations et retards dans les débats, et exposant tous les acteurs aux effets de la fatigue : des ergonomes (C. Gadbois, S. Prunier) analysent ses incidences sur le déroulement du procès. Aux déperditions linguistiques s'ajoutent des décalages culturels qui remettent en question la validité des outils d'expertise des psychologues (A.
Andronikov-Sanglade). Des éléments qui n'affectent pas seulement les débats, mais également une instruction ne disposant que des dépositions de l'unique rescapé : J. Py montre que ce témoignage oculaire réunissait de nombreux facteurs de fragilité. A. Blanchet se penche, par ailleurs, sur le poids des aspects affectifs dans l'énoncé du témoignage. Autre incidence préoccupante : celle de la presse dont A.
Somat, K. Manchec et M.A. Vazel montrent qu'elle peut emporter la conviction des jurés bien avant la délibération. Mais c'est aux psychologues experts qu'il revient de se faire cliniciens des audiences, fût-ce au prix d'une tension entre leur éthique et leur déontologie professionnelle (S. Raymond). L'analyse des représentations inconscientes qui, après avoir envahi le navire, semblent s'être répandues sur la scène des assises, montre cependant la pertinence d'une telle approche (B.
Lempert). Les interrogations de P. Kassis confirment la nécessité d'un nouvel éclairage cognitif sur le procès criminel.
Deux articles tentent enfin d'analyser ce qui, dans la procédure elle-même, complique la mise en cohérence des faits et la confrontation des hypothèses : S. Mulhem appréhende cette question à partir d'une comparaison des procédures pénales française et américaine tandis qu'A. Garapon et T.
Pech, en conclusion, s'interrogent sur la capacité de la justice à répondre à la nouvelle demande qui lui est adressée : constituer un récit cohérent des faits dans un monde qui ne sait plus raconter.