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En 1998, Ahmadou Kourouma, déjà classique en Afrique, mais encore bien trop méconnu en France, publie un troisième roman En attendant le vote des bêtes sauvages, qui se classe d'emblée parmi les grands livres du XXe siècle. Malgré le Prix Inter 1999, décerné par des lecteurs, il reste nécessaire de faire lire et aimer cette géniale chronique des tares de notre temps vue d'Afrique.
Le roman (où " tout est vrai ") raconte la vie et les œuvres sanglantes de Koyaga, représentant typique de ces " pères de la nation ", caricaturaux mais redoutables, qui ont fleuri dans toute l'Afrique au lendemain des indépendances.
En pliant son roman à la forme ritualisée, dotée de pouvoirs magiques d'un chant de chasseurs, Kourouma figure l'extrême confusion des valeurs qui a marqué ces " soleils des dictateurs ", et qui n'a pu exister qu'avec la complicité de l'Occident, sous prétexte de guerre froide. Cette sombre histoire de l'Afrique ne peut se séparer de la nôtre. Et l'écrivain, loin de se complaire aux " sanglots de l'homme noir " ou à l'accusation exclusive de l'homme blanc, choisit une distanciation sarcastique orchestrée avec une verve tonique.
Le tableau de cet univers impitoyable ne débouche pas, malgré l'apocalypse finale, sur un " afropessimisme ". Car Kourouma croit au pouvoir de la parole pour changer le monde : " Au bout de la patience il y a le ciel " : il nous le prouve en écrivant.