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« Je suis née dans un royaume juif, une ville où durant toute une vie vous pouviez ne parler que cette langue surgie un millénaire avant sur les rives du Rhin et qui était comme chez elle au bord de la Vistule. »Ainsi parlait Sulamita, une vieille dame digne, une mémoire vivante, qui a vécu dans sa chair le monde englouti mittel-européen, qui de Moscou à Bucarest, de Varsovie à Lvov, chantait, vibrait, mentait, respirait le yiddish.
Pierre, un jeune homme d'abord froid puis passionné, se prend d'amitié pour Sulamita, recluse en son palais romain. Il l'interroge sur le destin de trois poètes, étoiles filantes qui se croisent dans le ciel étoilé de Varsovie en 1922 : Peretz Markish, Uri-Zvi Grinberg, Melek Ravitsch. Des noms qui ne vous disent rien ? Quelle importance ? L'un émigra en Palestine en 1923, l'autre rejoignit les communistes soviétiques en 1926, le troisième voyagea de Mandchourie à Mexico, avant de se fixer à Montréal.
Ils eurent vingt ans, des maîtresses, une gloire de révoltés de la langue, une rage de vivre qui se brisa contre la catastrophe sans équivalent aucun où le Yiddishland disparut, terres et livres, corps et âmes. Pas vraiment, l'âme : elle est là, dans ces pages infusées d'histoires et de cris, d'anecdotes et de poèmes, dans ce roman d'amour fou qui caracole sur la ligne de crête des empires incendiés, l'Autriche-Hongrie, le IIIème Reich, la vieille Europe.
« Mère, nous arrivons d'un pays sans amour, d'un pays où Dieu est absent, Déluge en tête et crépuscule dans le sang. »
La langue du cœur, la langue de la souffrance
Après avoir découverts les œuvres de trois poètes juifs des années 20, Pierre décide d’apprendre le yiddish. Il contacte Sulamita, la fille d’un autre écrivain de l’époque, qui lui raconte son enfance et les milieux intellectuels et littéraires yiddish.
D'un pays sans amour est un magnifique hommage à trois poètes aujourd’hui oubliés, ainsi qu’à toute la vie intellectuelle qui s’est articulée autour d’eux, donnant au yiddish ses lettres de noblesse. Les persécutions systématiques dont les Juifs ont été victimes -- le nazisme et la Shoah, mais aussi les pogroms en Pologne et la paranoïa du régime stalinien -- alimentent la poésie ; certains des plus beaux vers cités ont été écrits en réaction à des atrocités.