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Terrifiant
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XXIe siècle
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USA
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Albert Tustin
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Marc Davie
Une famille est décimée dans le pavillon d’une banlieue tranquille de Los Angeles. Le père, Harold Buchanan, aurait tué sa femme et sa fille avant de se donner la mort. L’autopsie révèle que sa mort n’est pas un suicide : son cerveau et ses globes oculaires ont comme bouilli. Puis un informaticien, chargé d’inspecter l’ordinateur de la victime, est pris d’une crise de folie meurtrière. D’autres scènes similaires se succèdent : des gens deviennent brusquement fous de rage puis s’effondrent après avoir anéanti leur entourage immédiat. Le point commun entre toutes ces
personnes à la fois meurtrières et victimes ? Une vidéo de huit secondes reçue par mail ou diffusée sur un écran piraté.
Il y a bien entendu un autre point commun reliant les victimes et même s’il est donné relativement rapidement, je me garderai bien d’en dévoiler la teneur.
Ce « Codex » relève quelque peu le niveau des deux autres « Code(x) » (voir ici et là) qu’il m’a été donné de lire jusqu’à présent, c’est indéniable (je ne parle pas du « Codex de Syracuse » de Nisbet, nettement au-dessus du lot et qui ne se classe pas dans la catégorie des thrillers). Ce « Codex » reste pourtant et pour un thriller de facture on ne peut plus classique voire un peu « bourrine ». Adeptes du roman noir à la Thompson, passez votre chemin, fans du thriller, restez encore un peu.
Tinguely choisit de placer son action aux Etats-Unis dans une trame technologico-occulte dont on se demande quand même parfois s’il s’est documenté ou s’il a simplement laissé son imagination prendre le pouvoir. Je serai donc bien en peine de discerner, sur les aspects purement informatiques, ce qui est vraisemblable de ce qui ne l’est pas. Mais après tout, la cohérence ne doit pas faire partie des critères d’analyse d’un livre ouvertement tourné vers le surnaturel.
Il y a aussi quelques facilités ou raccourcis pris par l’auteur : comme par hasard, le détective privé dispose, outre de notions très avancées d’informatique, de quelques dons paranormaux et d’un oncle, ancien prêtre, versé dans l’occultisme ; l’enquêtrice du FBI qui débarque dans l’affaire décide de suivre son instinct et ceux de l’inspecteur et du détective privé plutôt que la procédure, voie prônée par son collègue qui forme avec elle une caricature du couple bon/méchant flic ; le partenaire de l’inspecteur a, comme de bien entendu, un oncle qui a travaillé sur les docks et reconnait donc tout de suite ce qui ressemble aux coordonnées d’un container...
Passé outre ces quelques réticences liées à ce classicisme, à cette (absence de) plausibilité de l’histoire et à ces quelques facilités, le « Codex Lethalis » n’en est pas moins intelligemment construit, avec des dialogues qui ne sont pas là que pour faire une pause dans les descriptions mais servent la narration, avec des situations qui placent les enquêteurs dans des postures où ils n’ont pas automatiquement la position de super-héros mais où ils doivent faire face à une véritable problématique.
Il s’agit de la localisation du coupable sans laquelle ils ne pourront mettre fin à ses agissements. Au-delà de la rhétorique du genre qui vise à aller toujours plus loin dans l’horreur, Tinguely nous y installe de suite pour laisser la place à la traque elle-même, même si celle-ci reste jalonnée de scènes de crimes toujours violentes.
En mêlant occultisme (ou ésotérisme ou paranormal ou surnaturel, appelez-le comme vous voulez) et technologie (ou science ou …, appelez-la…), Tinguely tente de réunir deux approches diamétralement opposées de phénomènes encore inexpliqués pour la seconde et inexplicables pour la première. Un criminel psychopathe peut-il mettre la technologie au service de l’occultisme, ou vice versa, pour assouvir sa soif de vengeance ?
On pourrait regretter que Tinguely ne prenne pas plus position. En dotant l’assassin et l’équipe d’enquêteurs à sa poursuite de connaissances informatiques et occultes, celles des poursuiveurs mettant en échec celles du traqué, il ne prend parti pour aucun de ces media.
Il se garde également de donner trop d’informations sur le comment du pourquoi de la symbiose que le tueur a réussi a opéré entre la technologie et les pouvoirs occultes tout comme il laisse planer pas mal de zones d’ombres sur la découverte par le tueur du livre maudit, sur l’influence qu’il a pu avoir sur lui (comment se fait-il que Zack ait pu déchiffrer le livre ? comment a-t-il pu le comprendre ? comment le livre a-t-il fait pour prendre plus ou moins possession de Zack ?...), sur la cause réelle de la mort du fils de l’assassin (la fin du livre laissant penser que le fils du tueur ne s’est pas forcément suicidé), sur le niveau de conscience ou d’absence de conscience que conservent les êtres transformés en bourreaux… Autant de question dont les réponses ne sont certes pas indispensables mais que j’aurai personnellement aimé trouver dans le livre et lui font à mon sens cruellement défaut.
On a l’impression que Tinguely a hésité à franchir le pas consistant à ne baser son histoire que sur l’occultisme et sur le pouvoir démoniaque d’un livre maudit. Le paranormal et ses implications sont largement minimisés par l’immixtion de la rationalité de la science : celle-ci donne les clefs pour comprendre à défaut d’expliquer alors que le livre aurait pu gagner à ce que les protagonistes se retrouvent démunis face à une menace inexplicable. Cette radicalisation aurait ainsi pu lui permettre finalement de ne pas être considéré comme un thriller mais comme un vrai bon livre d’épouvante angoissant et mystérieux, ce qui sera déjà plus le cas de la suite de ce Codex…
A réserver donc aux amateurs du genre.
Dans la série Codex...
Une famille est décimée dans le pavillon d’une banlieue tranquille de Los Angeles. Le père, Harold Buchanan, aurait tué sa femme et sa fille avant de se donner la mort. L’autopsie révèle que sa mort n’est pas un suicide : son cerveau et ses globes oculaires ont comme bouilli. Puis un informaticien, chargé d’inspecter l’ordinateur de la victime, est pris d’une crise de folie meurtrière. D’autres scènes similaires se succèdent : des gens deviennent brusquement fous de rage puis s’effondrent après avoir anéanti leur entourage immédiat. Le point commun entre toutes ces personnes à la fois meurtrières et victimes ? Une vidéo de huit secondes reçue par mail ou diffusée sur un écran piraté.
Il y a bien entendu un autre point commun reliant les victimes et même s’il est donné relativement rapidement, je me garderai bien d’en dévoiler la teneur.
Ce « Codex » relève quelque peu le niveau des deux autres « Code(x) » (voir ici et là) qu’il m’a été donné de lire jusqu’à présent, c’est indéniable (je ne parle pas du « Codex de Syracuse » de Nisbet, nettement au-dessus du lot et qui ne se classe pas dans la catégorie des thrillers). Ce « Codex » reste pourtant et pour un thriller de facture on ne peut plus classique voire un peu « bourrine ». Adeptes du roman noir à la Thompson, passez votre chemin, fans du thriller, restez encore un peu.
Tinguely choisit de placer son action aux Etats-Unis dans une trame technologico-occulte dont on se demande quand même parfois s’il s’est documenté ou s’il a simplement laissé son imagination prendre le pouvoir. Je serai donc bien en peine de discerner, sur les aspects purement informatiques, ce qui est vraisemblable de ce qui ne l’est pas. Mais après tout, la cohérence ne doit pas faire partie des critères d’analyse d’un livre ouvertement tourné vers le surnaturel.
Il y a aussi quelques facilités ou raccourcis pris par l’auteur : comme par hasard, le détective privé dispose, outre de notions très avancées d’informatique, de quelques dons paranormaux et d’un oncle, ancien prêtre, versé dans l’occultisme ; l’enquêtrice du FBI qui débarque dans l’affaire décide de suivre son instinct et ceux de l’inspecteur et du détective privé plutôt que la procédure, voie prônée par son collègue qui forme avec elle une caricature du couple bon/méchant flic ; le partenaire de l’inspecteur a, comme de bien entendu, un oncle qui a travaillé sur les docks et reconnait donc tout de suite ce qui ressemble aux coordonnées d’un container...
Passé outre ces quelques réticences liées à ce classicisme, à cette (absence de) plausibilité de l’histoire et à ces quelques facilités, le « Codex Lethalis » n’en est pas moins intelligemment construit, avec des dialogues qui ne sont pas là que pour faire une pause dans les descriptions mais servent la narration, avec des situations qui placent les enquêteurs dans des postures où ils n’ont pas automatiquement la position de super-héros mais où ils doivent faire face à une véritable problématique.
Il s’agit de la localisation du coupable sans laquelle ils ne pourront mettre fin à ses agissements. Au-delà de la rhétorique du genre qui vise à aller toujours plus loin dans l’horreur, Tinguely nous y installe de suite pour laisser la place à la traque elle-même, même si celle-ci reste jalonnée de scènes de crimes toujours violentes.
En mêlant occultisme (ou ésotérisme ou paranormal ou surnaturel, appelez-le comme vous voulez) et technologie (ou science ou …, appelez-la…), Tinguely tente de réunir deux approches diamétralement opposées de phénomènes encore inexpliqués pour la seconde et inexplicables pour la première. Un criminel psychopathe peut-il mettre la technologie au service de l’occultisme, ou vice versa, pour assouvir sa soif de vengeance ?
On pourrait regretter que Tinguely ne prenne pas plus position. En dotant l’assassin et l’équipe d’enquêteurs à sa poursuite de connaissances informatiques et occultes, celles des poursuiveurs mettant en échec celles du traqué, il ne prend parti pour aucun de ces media.
Il se garde également de donner trop d’informations sur le comment du pourquoi de la symbiose que le tueur a réussi a opéré entre la technologie et les pouvoirs occultes tout comme il laisse planer pas mal de zones d’ombres sur la découverte par le tueur du livre maudit, sur l’influence qu’il a pu avoir sur lui (comment se fait-il que Zack ait pu déchiffrer le livre ? comment a-t-il pu le comprendre ? comment le livre a-t-il fait pour prendre plus ou moins possession de Zack ?...), sur la cause réelle de la mort du fils de l’assassin (la fin du livre laissant penser que le fils du tueur ne s’est pas forcément suicidé), sur le niveau de conscience ou d’absence de conscience que conservent les êtres transformés en bourreaux… Autant de question dont les réponses ne sont certes pas indispensables mais que j’aurai personnellement aimé trouver dans le livre et lui font à mon sens cruellement défaut.
On a l’impression que Tinguely a hésité à franchir le pas consistant à ne baser son histoire que sur l’occultisme et sur le pouvoir démoniaque d’un livre maudit. Le paranormal et ses implications sont largement minimisés par l’immixtion de la rationalité de la science : celle-ci donne les clefs pour comprendre à défaut d’expliquer alors que le livre aurait pu gagner à ce que les protagonistes se retrouvent démunis face à une menace inexplicable. Cette radicalisation aurait ainsi pu lui permettre finalement de ne pas être considéré comme un thriller mais comme un vrai bon livre d’épouvante angoissant et mystérieux, ce qui sera déjà plus le cas de la suite de ce Codex…
A réserver donc aux amateurs du genre.