Dérangeante gâterie livresque que nous offre François Forestier. Le journaliste / romancier s’est très correctement occupé de deux icônes de la vie d’après-guerre américaine. Histoire très prenante avec quelques savoureuses anecdotes (le dos de la robe de Marilyn -chantant pour Kennedy- qui a complètement craqué par exemple)
Il était une fois…
Deux êtres hors du commun, deux univers durs qui se télescopent le temps d’une idylle. Marilyn et JFK, c’est une liaison d’une décennie entre une star qui a superbement explosé en plein vol et un animal politique qui a encore
plus mal fini. [Pour la petite histoire, l'image de couverture est la dernière photographie de Marilyn, qui en 1962 chantait le happy birthday à Kennedy]
L’auteur s’est attaqué à un gros morceau et a, à mon humble avis, réussi l’amalgame de l’autorité (du documentaire) et du charme (concernant le style).
Ce fut un pur plaisir de s’immerger dans l’ambiance des années 50 (et le début des sixties) grâce à deux protagonistes qui ne laissent pas indifférents. Le bordel ambiant entourant la belle Monroe et le priapique John est indescriptible et tiendra rapidement le lecteur en haleine. Rien que le début qui décrit l’assassinant de celui qui est alors le Président des USA donne le ton : ceci n’est pas un compte de fées. Mais pas du tout.
Toutefois se pose la question de l’aspect fictionnel de ce que le lecteur s’apprête à lire. Car Forestier est avant tout un journaliste qui s’est documenté comme un thésard. Son style de « journaleux » permet une lecture aisée et vivante, comme si on lisait un long article trash mais classe d’un énième tabloïd. Car l’auteur ne se prend pas pour un grand écrivain, sa fluidité décomplexée et sans tournures trop savantes fait mouche.
Pour conclure, un petit plaisir littéraire au cours duquel on espère que de temps en temps, François Forestier, a basculé dans la fiction. Parce que ce qu’on apprend est autant édifiant que démoralisant.
Thèmes abordés
Le sordide, donc. La mafia qui tient sous sa coupe bon nombre de protagonistes (et ce pauvre Sinatra qui passe pour un beau pigeon), les escarmouches politiciennes où les Kennedy se sentent comme autant de poissons dans l’eau, le beau JFK qui se vautre dans la luxure la plus choquante, une Marilyn moins glamour que prévu, certains pourraient reprocher à l’auteur d’avoir fait dans le sensationnel. Mais c’est un fin connaisseur des mœurs de l’époque (je n’ose imaginer ce qu’il en est aujourd’hui), période particulièrement violente de l’histoire de ce pays (droits de l’Homme piétinés par les écoutes et filatures en tout genre ou la ségrégation raciale par exemple).
La destruction des mythes, la famille Kennedy était loin d’être propre. Coincés entre la mafia et le FBI (Hoover détestait ces immigrés irlandais donc cathos), ce n’étaient pas des enfants de cœur. Mais Marilyn, nom de Zeus quelle femme ! Totalement perdue (à la limite de la folie) sur la fin, hygiène déplorable, il y aurait même des photos d’elle en fâcheuse posture (quand elle était sous la coupe de ses médocs) qui circulaient. Dallas, à côté, c’est une énième aventure de Barbie et Ken.
un couple qui en a fait couler de l'encre...
La couverture de l'ouvrage est magnifique, originale. On devine plus qu'on ne voit et c'est ce qui rend ce cliché authentique et vrai. On apprend par l'auteur que cette photographie est une rescapée de la chasse aux traces, aux preuves de cette liaison entre deux monstres sacrés des Etats-Unis.
J'aime la typographie choisie pour le titre, la différence de couleur (le blanc pour Marilyn = innocence de l'enfance ? le rouge pour JFK = le sang de ses combats, de sa fin tragique ?)
Je me doute qu'il fallait un certain cran pour oser écrire ce livre car tant d'encre a déjà été versé pour parler de Marilyn et de JFK, mais l'approche est plus originale, sans complaisance. D'ailleurs, je trouve que tout est dit pour résumer l'ouvrage dans la première phrase de l'avant-propos, ainsi que dans les trois dernières :
"C'est une histoire que tout le monde connaît, mais que personne ne connaît."
"Pour jeté une petite lumière sur cette nuit-là, il fallait une solide documentation, un éditeur patient et un défaut crucial.
Le mauvais esprit.
J'ai."
Au niveau du style, on retrouve dans le texte les trois domaines d'écriture où sévit François Forestier : journaliste, romancier et biographe.
La lecture est agréable, précise, mais humaine (donc imparfaite). Les personnages, ici, sont des êtres ayant réellement existés et on les découvre pas forcément sous leur meilleur aspect. L'angle d'attaque est sans filtre réel et il est donc terriblement naturel. Le glamour repassera le plus souvent.
On peut même trouver quelques détails ici ou là qui sont à la limite du "trash", cependant, ils ne sont que bien rarement gratuits. Ils sont fondés et renforcent un certain malaise chez le lecteur qui peut alors très facilement penser : "Tous pourris !".
Il est certain que l'on évolue dans un véritable nid de vipères. J'ai même été franchement un peu dégoûtée de tout après cette lecture. J'ai conservé une saveur amer en bouche et j'ai eu besoin de me changer les idées. C'est une lecture agréable par la facilité qu'on a de déchiffrer le texte, mais le contenu est bien moins digeste. Ce n'est pas la faute de l'auteur, c'est juste un constat.
A noter que François Forestier n'a pas ménagé ses efforts, ni ses recherches. La bibliographie qui termine ce livre est très étoffées et ravira peut-être les lecteurs anglophones.
A lire donc, mais en toute connaissance de cause.