Pour les besoins d'une biographie d'Alain Robbe-Grillet, Catherine, sa femme, a recherché ses vieux agendas et retrouvé, par la même occasion, plusieurs cahiers d'écolier dont elle avait oublié l'existence. Il s'agit d'un journal qu'elle commence à la fin de 1957 au moment de son voyage de noces et arrête sans crier gare en novembre 1962. Elle y relate les menus faits du quotidien, sa vie familiale, celle du clan Robbe-Grillet, ses innombrables voyages, proches ou lointains, son accident d'avion, mais aussi ses rencontres avec des auteurs du Nouveau Roman et les figures littéraires de l'époque, leurs démêlés, leurs luttes de pouvoir, Elle y retrace l'élaboration de L'Année dernière à Marienbad avec Alain Resnais, le tournage, à Istanbul, de L'immortelle, le premier film de Robbe-Grillet, l'écriture de son roman Dans le labyrinthe, etc. Il y a, bien sûr, très présents, Jérôme Lindon, les éditions de Minuit, la guerre d'Algérie, le manifeste des 121 et, en général, vu à travers sa subjectivité, ce qui fait l'actualité du temps. Comme dans tout journal intime, destiné, au départ, à rester parfaitement secret (ignoré même de son mari qui n'en pris connaissance que récemment), elle y consigne sans précaution les aléas de sa vie sentimentale, sexuelle et, sans prudence, ses jugements sur ce qui l'intrigue, la choque, l'ennuie. Elle ne ménage rien ni personne. Pas même son ego.
Biographie de Catherine Robbe-Grillet
Catherine Robbe-Grillet est née en 1930 à Paris où elle fait ses études secondaires dans une institution religieuse (Notre-Dame-de-Sion) et ses études supérieures (HEC). Un temps actrice de théâtres, de cinéma et photographe de plateau, elle publie, sous le nom de Jean de Berg L'Image (éditions de Minuit, 1956) et, sous celui de Jeanne de Berg, Cérémonies de femmes (Grasset, 1985).
Presque mariée sans le savoir pour toujours
Notre société aurait bien du mal à regarder de ce côté là pour enrichir sa nature civilisée. En effet, faire lire Catherine Robbe-Grillet sentirait plus que le souffre, on serait au bord de l'apoplexie dans ce moment hystérique où la bêtise s'auto-électrise. Et pourtant, je soutiens qu'en plus du classique rendez-vous avec le curé si vous suivez la méthode classique, il serait bon de glisser discrètement à la jeune mariée "jeune mariée" de Catherine Robbe-Grillet et cela même si en effet ça sent le souffre. Pourquoi parce qu'il sera toujours temps que la future se forge un caractère et s'assume et que par un habile jeu de miroirs, effet garanti, que la vie, les mœurs si particulières de cette écrivain interroge notre novice sur les choses du mariage et les choses plus intimes qui la regarde. De cette institution, lucide et à l'écoute d'elle même et malgré son affection particulière, elle n'en fera jamais une geôle sinistre et stérile. Le lettré pourra aussi y puiser le journal d'une époque, d'un milieu artistique et éditoriale.