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En 2005, une habitante de Boston, aux Etats-Unis, se plaint auprès d’une association de quartier :
sur une des artères commerçantes, juste à côté d’un restaurant réputé pour ses fabuleux brunchs
dominicaux, stationnent, en fumant, d’anciens toxicomanes logés dans un foyer de réinsertion. Une
négociation s’ensuit, et les liens établis de longue date entre les propriétaires blancs et les
associations caritatives, très nombreuses dans cet ancien quartier populaire, permettent de régler
l’affaire.
De nouvelles règles sont imposées aux résidents du foyer. Ils n’auront désormais plus le
droit de stationner regroupés sur les trottoirs. Ils sont invités à marcher quand ils fument. Cet
exemple illustre les formes de contrôle que les résidents les plus fortunés savent mettre en oeuvre
dans l’espace urbain. Les avocats, les cadres dirigeants, les médecins et les consultants qui
habitent ce quartier progressivement embourgeoisé depuis les années 1960 sont parvenus, en se
mobilisant, à contrôler les espaces publics et les populations les plus « indésirables », et à
surveiller avec vigilance les projets immobiliers et les activités commerciales.
C’est pourtant une
partie de ces mêmes résidents qui ont défendu l’aménagement, dans la même rue, de logements
semi collectifs pour des sans-logis. Face à une opposition virulente, un groupe de propriétaires se
sont battus pour ce projet, au nom d’une « diversité » qu’ils brandissent comme un étendard.
L’ouvrage proposé analyse transformations qui traversent les élites depuis les années 1960 et
apporte ainsi un éclairage nouveau sur le fonctionnement de la distinction sociale.
Pour cela, il part
d’une enquête dans un quartier populaire d’une grande ville de la côte Est des Etats-Unis : naguère
l’un des plus stigmatisés de la ville, peuplé de bars tenus par la mafia, d’hôtels meublés occupés
par des immigrés venus du monde entier, de prostituées, et de résidents noirs formant près de la
moitié de la population, il est aujourd’hui un quartier branché, vanté pour son architecture et la vie
artistique qui fleurit dans les friches industrielles réhabilitées.
Cette enquête montre que, loin
d’annuler les distances sociales, les migrations des résidents fortunés dans les centres-villes
dégradés les reconduisent et parfois les exacerbent : mise à distance des plus démunis, création
d’espaces exclusifs, marquage du territoire par de nouveaux commerces et styles de vie... L’espace
urbain est bien, de ce point de vue, un des sites privilégiés d’observation des inégalités, et des
stratégies qui alimentent la reproduction sociale.