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Les sciences sociales s'éloignent aujourd'hui de l'idée selon
laquelle leur contribution principale au savoir consisterait à
approfondir sans cesse la découverte de l'homme moyen et de
l'individu assujetti aux grandes forces collectives, découverte
par laquelle elles se justifièrent à l'origine. Désormais, la
singularité biographique et caractérologique compte. Elle
forme même une dimension décisive du social.
Dans ces
conditions, les processus par lesquels le donné social se trouve
incorporé au psychisme individuel, mais aussi l'inévitable
tension persistante de l'objectif et du subjectif, autrefois
thèmes latéraux de la pensée sociologique, tendent à se voir
reconnaître une importance centrale. S'appuyant sur l'histoire
de la psychanalyse, Stéphane Haber, professeur de philosophie
à l'université Paris-Ouest-Nanterre, montre qu'une telle
conjoncture invite à relire Freud de manière différente et
réévalue ses apports en tant que penseur des interactions entre
psychisme et société.
Les enjeux de cette relecture ne sont pas
purement théoriques. Ainsi. comme projet social et politique
englobant. le néolibéralisme a provoqué l'émergence de
nouvelles incitations à l'auto-contrainte ( devenir plus
performant, plus efficace, plus flexible, plus rationnel...) qui
rappellent la violence retournée contre soi que Freud décrivait
au moyen du concept de "surmoi" composante essentielle.
selon lui, du psychisme individuel. On voit à quel point la
critique de l'époque présente peut gagner à s'engager sur la
voie d'une réappropriation judicieuse des hypothèses et des
concepts freudiens.