Il est étonnant ce colonel qui raconte des histoires incroyables au fond du café des Deux Eléphants d’une cité qui ramasse en dépressions tout ce que l’Atlantique conserve de contrariétés et de nuages mauvais. La ville est grise mais les récits du colonel sont plein de couleurs et de parfums orientaux. « Le Colonel était un vieil aristocrate anglais en toc qui s’était trompé de nationalité et d’époque. Il avait la nostalgie d’un monde qu’il avait pas connu, celui des nababset des maharadjas, des colonnes de l’armée anglaise perdue dans les méandres du Bengale.
Il rêvait de sitars et de mélopées toxiques, de poisons mystérieux et de magiciens volants sur des tapis, de serpents monstrueux roulés dans des paniers, que des flûtistes squelettiques font se dresser et onduler comme des pendules. » Raymond, un ex-serrurier au chômage, le découvre planté tout raide au comptoir du café et buvant sec son whisky. Evidemment il n’a jamais été colonel mais pour lui la discipline a son importance et il possède un authentique kriss, ce poignard malais qui selon la tradition ne peut n’appartenir qu’à un seul propriétaire, s’il change de propriétaire il perd toute son énergie.
Raymond, René, Gabegie, la petite bande du café va s’étoffer autour du vieux conteur qui quand il a un coup dans le nez devient lyrique, ses récits se peuplent de nababs et de maharadjas. Quand il parle de Shéhérazade le rythme de sa voix s’accélère et il semble totalement habité par son récit. Mais ceux que le Colonel met au dessus de tout, ce sont les guerriers mouktars parce qu’ils sont le courage incarné, la ruse et la puissance. “Le guerrier mouktar, c'est le combat fait homme. C'est la fin des dieux… L'homme qui prend en main son destin, qui le fait ployer, qui le tord en tous sens, il a plus besoin de bon Dieu pour exister. Y a plus rien de tracé : C'est lui qui commande, quoi. Le mouktar ignore la fatalité ! Il prend tout à bras-le-corps et si on l'en empêche, il s'infiltre, il fait le mur, il escalade, se faufile, bondit entre les pièges.”
Reste qu’un jour les contes ne suffisent plus et le quatuor du café des Deux Eléphants va quitter la jungle pour améliorer son quotidien en ourdissant de détrousser un nabab assez peu sympathique. Mais abandonner les grands récits comporte des risques surtout quand on garde quelques vieilles recettes de poisons exotiques. Nos quatre compères se porteront-ils à la hauteur des guerriers Mouktars ?
Arnaud Le Gouëfflec nous propose un roman alerte et ramassé autour d’une mise en abyme surréaliste qui fonctionne à merveille. On prend sa place dans la petite bande, on écoute les histoires du colonel, on participe à des préparatifs inavouables et finalement on prend beaucoup de plaisir. « Le guerrier moutkar» c’est un peu Kipling égaré dans un roman noir… Jolie performance !
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)
RECOMMANDÉ PAR LE SITE CULTURE-CHRONIQUE
Il est étonnant ce colonel qui raconte des histoires incroyables au fond du café des Deux Eléphants d’une cité qui ramasse en dépressions tout ce que l’Atlantique conserve de contrariétés et de nuages mauvais. La ville est grise mais les récits du colonel sont plein de couleurs et de parfums orientaux. « Le Colonel était un vieil aristocrate anglais en toc qui s’était trompé de nationalité et d’époque. Il avait la nostalgie d’un monde qu’il avait pas connu, celui des nababset des maharadjas, des colonnes de l’armée anglaise perdue dans les méandres du Bengale. Il rêvait de sitars et de mélopées toxiques, de poisons mystérieux et de magiciens volants sur des tapis, de serpents monstrueux roulés dans des paniers, que des flûtistes squelettiques font se dresser et onduler comme des pendules. » Raymond, un ex-serrurier au chômage, le découvre planté tout raide au comptoir du café et buvant sec son whisky. Evidemment il n’a jamais été colonel mais pour lui la discipline a son importance et il possède un authentique kriss, ce poignard malais qui selon la tradition ne peut n’appartenir qu’à un seul propriétaire, s’il change de propriétaire il perd toute son énergie.
Raymond, René, Gabegie, la petite bande du café va s’étoffer autour du vieux conteur qui quand il a un coup dans le nez devient lyrique, ses récits se peuplent de nababs et de maharadjas. Quand il parle de Shéhérazade le rythme de sa voix s’accélère et il semble totalement habité par son récit. Mais ceux que le Colonel met au dessus de tout, ce sont les guerriers mouktars parce qu’ils sont le courage incarné, la ruse et la puissance. “Le guerrier mouktar, c'est le combat fait homme. C'est la fin des dieux… L'homme qui prend en main son destin, qui le fait ployer, qui le tord en tous sens, il a plus besoin de bon Dieu pour exister. Y a plus rien de tracé : C'est lui qui commande, quoi. Le mouktar ignore la fatalité ! Il prend tout à bras-le-corps et si on l'en empêche, il s'infiltre, il fait le mur, il escalade, se faufile, bondit entre les pièges.”
Reste qu’un jour les contes ne suffisent plus et le quatuor du café des Deux Eléphants va quitter la jungle pour améliorer son quotidien en ourdissant de détrousser un nabab assez peu sympathique. Mais abandonner les grands récits comporte des risques surtout quand on garde quelques vieilles recettes de poisons exotiques. Nos quatre compères se porteront-ils à la hauteur des guerriers Mouktars ?
Arnaud Le Gouëfflec nous propose un roman alerte et ramassé autour d’une mise en abyme surréaliste qui fonctionne à merveille. On prend sa place dans la petite bande, on écoute les histoires du colonel, on participe à des préparatifs inavouables et finalement on prend beaucoup de plaisir. « Le guerrier moutkar» c’est un peu Kipling égaré dans un roman noir… Jolie performance !
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)