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"Tu sais, Isiban, la France a permis l'installation sur son sol d'Italiens, d'Espagnols, de Juifs persécutés ailleurs, de Noirs africains, d'Antillais, d'Arabes et autres Polonais. Ce pays, à l'image de tant d'autres, s'est construit sur un territoire donné, mais par mélange et fusions successives de populations les plus diverses. Leurs apports ont grandement aidé à la formation de la nation française.
Par cette diversité et cette richesse, la France parle au monde, avec un message fort et universel, né des idéaux des Lumières. Et je sais qu'en Afrique du Sud les choses évolueront tôt ou tard dans ce sens". En Afrique du Sud, vers la fin du XIXe siècle, la "politique indigène" mise en place par les colons anglais balisait déjà la route d'un système de développement séparé et fondé sur la "race".
Aussi, rien n'y favorisait l'union fusionnelle entre Isiban, princesse zouloue, et le jeune Marc Jaubert, vigneron descendant de huguenots français. Pourtant, de leur rencontre dont le seul témoin fut la lune, oeil de la nuit, naît un amour tout aussi magique que passionné. Et, dans un univers d'intolérance, de violences extrêmes, leurs élans amoureux nous révéleront mieux qu'un essai historique les tourments de l'Histoire.
RECOMMANDE PAR CULTURE CHRONIQUE
Les premières pages ont un côté hypnotique. L’encre colle à la rétine et il est difficile de détacher ses yeux du texte.
Le lecteur est directement expédié au cœur du paysage. Les sensations prennent au cou et serrent comme une écharpe. Impossible de ne pas céder au mélange de douceur, de beauté et d’exotisme qui enveloppe ce récit.
Afrique du Sud. Fin du 19 è siècle.
La famille de Marc Joubert habite la région de Durban depuis 9 générations. Huguenots, ils ont fui la France et ses guerres de religion pour se réfugier dans la péninsule du Cap. Ils y travaillent la vigne. Marc s’occupe du négoce. Il prend la tête des convois qui acheminent le vin d’un point à l’autre. Une nuit, le hasard le conduit dans un lieu escarpé et il contemple une scène irréelle. Comme si une pellicule se déroulait devant ses yeux incrédules, une jeune guerrière zouloue se matérialise et elle danse à la lune. Marc est aimanté, il ne peut détacher ses yeux de ce spectacle féérique et il tombe instantanément amoureux de cette déesse noire. Isiban, car c’est elle, est une princesse zouloue. Le jour, elle est servante dans une exploitation agricole et la nuit, elle s’échappe, elle se rend dans une crique secrète et elle s’expose à la lune. Elle se douche aux rayons de l’astre et se love au creux de ses replis. Marc tangue du rêve à la réalité. Le lendemain la scène l’obsède, il la revit toute la journée et le soir venu, il retourne sur les lieux. Aimanté, il y retourne en boucle. Il laisse des cadeaux pour Isiban sur une pierre plate et un soir, les jeunes gens sont face à face. Marc apprivoise sa belle déesse. Ensemble, ils franchiront toutes les barrières. La différence de peau n’en est pas une, ils sont perméables l’un à l’autre et ils se parlent avec les yeux, ils lisent l’un dans l’autre et décryptent leurs expressions. Ils vont heurter des obstacles beaucoup plus puissants ; les coutumes.
Un précipice à sauter. Il ne se nomme pas encore ségrégation. En ce temps et en ce lieu, le racisme est un mot inconnu. Le blanc s’est imposé comme dominant naturel dans ce milieu qui n’est pas le sien.
Afrikaners. Le mot est dur. Le mot évoque Le Cap, Prétoria. le mot renvoie au sang, à la violence. Dans le roman de Tidine N’Diaye, la cohabitation semble à la fois solide et d’une grande fragilité, on se demande comment ça tient. La guerre gronde au loin. Les Anglais veulent assujettir la population Zouloue et on tremble pour les beaux personnages qui étoffent cette histoire si attachante.
Annick FERRANT