Il y a les livres qu’on aime, ceux qui laissent indifférents et il y a les coups de cœur.
Algèbre, la mémoire ne l’éjecte pas, elle le garde.
Les premières phrases nous projettent en mai 1968. Un groupe de mathématiciens s’avance vers les étudiants surexcités et le zoom de l’auteur s’arrête sur l’un d’eux. C’est Alexandre Grothendick, un ponte dans le domaine mathématique.
Yann Pradeau enfonce alors comme une vrille dans cet homme. Il nous le décrit. Physiquement d’abord, puis c’est toute sa vie qui nous vient en rafale. Enfance difficile, personnalité complexe.
On voyage dans un genre de roman russe, chaque personnage entre en scène avec son historique, des Alexandre partout ! On les distingue facilement, ils ont tous un surnom. Grothendick, c’est Shourik. Un enfant doué pour les mathématiques, très vite ce n’est plus un don mais un talent hors norme. Shourik dépasse tout le monde. Il défriche, libère le terrain. Grothendick adulte s’attaque aux fondations, il balaye tout. Il réforme entièrement les bases de la géométrie algébrique.
Yan Pradeau s’est lancé sur la piste de cet homme, une enquête approfondie. Il a amassé ses éléments et a assemblé une histoire autour de lui.
Venons en maintenant à l’écriture, car il faut en parler de l’écriture ! Les gens me disent souvent « J’aime quand c’est bien écrit » Et bien là, vous pouvez y aller,
« c’est bien écrit » ça ne suffit pas.
Une écriture restreinte, fine comme une huile essentielle. Chaque mot déclenche une cascade, c’est un pur concentré d’images, c’est comme un film qui se déroule dans votre tête. Ce roman de 150 pages en vaut largement un de 400.
Grothendick aurait-il relaté sa vie ainsi ? Sûrement pas.
Il y a beaucoup d’ADN de Pradeau dans ce roman, ça se sent. Le mathématicien a poussé en lui, et pour s’en libérer, il nous a écrit un roman d’une force incroyable.
Si vous n’avez pas la fibre scientifique, n’ayez aucune crainte. Vous pouvez ouvrir «Algèbre» sans appréhension. La racine d’Algèbre n’est pas carrée, ce roman trempe ses racines dans l’art, œuvre et création sont les termes qui reviennent le plus souvent.
À consommer sans modération.
Annick FERRANT
qui fit fi de Field?
Grothendieck était nul en calcul et le resta jusqu'à la fin de sa vie, qu'il passa loin de tous afin de ne pas se faire calculer, logique...
Quel génie des mathématiques... Pour résoudre cette apparence de paradoxe, plongez vous dans cet opus d'Allia qui comme d'hab' est d'une qualité magistralement égale à sa sobriété de présentation, et laissez-vous faire. Pas de quoi briller dans les dîners entre "amis" avec ça (non ce n'est pas de la vulgarisation à consommer sur place) mais de quoi s'en passer avec brio et en bonne compagnie jusqu'à la fin de vos jours .. Pour quelques euros et pages, c'est un très bon investissement. (vous calculez?) "Sa puissance technique est secondaire, jamais une fin en soi. Sa capacité à changer de point de vue, à prendre de la hauteur pour entrouvrir des portes toujours plus lointaines plonge ses élèves dans une extase presque mystique. Peu à peu, le maître devient gourou."