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"Un pantalon de skaï noir épousait la ligne de ses jambes. Le cuir était plus chic, mais trop cher. La matière synthétique, par son côté factice, correspondait mieux à l'esprit new wave : le disciple d'Actuel pouvait défendre cette théorie avec beaucoup de verve. Plaqué sur son buste, un étroit tee-shirt rouge produisait, pensait-il, un joli contraste avec le noir du pantalon. Ses bras nus gardaient une minceur juvénile ; mais Jérôme Demortelle, dans son narcissisme, était le seul à ne pas voir surtout ces godillots à la semelle mi-décollée qui trahissaient un cruel manque de moyens".
1980. Le clinquant Forum des Halles a remplacé l'ancien "ventre de Paris" et la cocaïne échauffe les noctambules. À peine arrivé de sa Normandie natale, Jérôme est certain de pouvoir épancher ici sa soif de modernité. Rastignac vêtu de skaï, il cherche l'Histoire aux portes des boîtes de nuit et plonge dans un tourbillon futile, persuadé d'y retrouver l'esprit bohème.
Bien mais sans petit grain de folie...
1980. Jérôme Demortelle, quittant son Dieppe natal, s'installe à Paris et compte bien percer dans le milieu musical tout en poursuivant une licence en histoire de l'art.
Avec un titre nous rappelant le Rastignac de Balzac, Benoît Duteurtre inscrit d'emblée son nouveau roman dans un lignage déjà bien balisé : la montée à la capitale d'une jeune personne rêvant de réussite. Seulement, Jérôme n'a pas l'ambition d'un Rastignac, ni l'allure bien tournée d'un Bel Ami. C'est un jeune provincial bien élevé, qui, malgré une dégaine vaguement punk, garde le vernis de sa bonne éducation.
Dans ce Paris qui commence à devenir la proie des investisseurs, où les petits bars, les commerces de proximité s'effacent au profit des chaînes de vêtements et des restaurants américains, Jérôme fera des rencontres illusoires. Déjà les portes de la notoriété sont gardées par des physionomistes impitoyables, le talent et la culture laissant la place à la vitrine et au clinquant. Ce ne sont pas les vagues petites célébrités hippies sur le retour ou les jeunes rockers cocaïnés qui lui permettront de se faire une place sous le soleil des projecteurs du Tout Paris.
Roman nostalgique, "A nous deux, Paris !" se lit facilement. Benoît Duteurtre sait mener un récit, le ponctuant d'un humour léger, parfois mordant mais jamais méchant. Il glisse de nombreux détails historiques ou sociologiques sans jamais être pesant. L'évocation du Paris des années "Bains Douches" et des différents styles de musique ayant émergé ces années là, est parfaitement rendu.
Cependant, il m'a manqué quelque chose pour faire de ce roman un vrai coup de coeur. Peut-être est-il trop à l'image de son héros : un poil trop sage, un peu trop policé.
la fin sur le blog sansconnivence.blogspot.com