Après deux romans privilégiant les personnages masculins, Kaoutar Harchi donne ici la voix à une femme. Toujours fidèle aux problématiques de son pays d’origine, elle s’est nourrie des combats, des blessures et des sourires des femmes pour construire un roman de souffrance mais aussi d’espoir.
La narratrice est née dans la maison des femmes, cette bâtisse aux chambres sans fenêtres qui enferment simplement par leur soumission des femmes jugées fautives par leur mari ou leur famille. Elle vit sa jeunesse et son adolescence auprès d’une mère bafouée mais toujours amoureuse du
Père, sans jamais recevoir la tendresse espérée d’une femme qui est une mère pour toutes les autres sauf pour sa fille.
Des conversations, des carnets intimes, elle reconstruit toutefois l’ombre de ce Père " qui avait fait de notre quotidien une succession d’instants suspendus."
Et l’on écoute les voix de ces femmes en une seule prière de soumission à l’homme idolâtré et souverain dans cette " maison des délits du corps où l’on ne châtie ni ne violente mais rééduque".
Puis, orpheline de tendresse, la jeune fille ne peut que remonter à la source du malheur pour comprendre ou tenter de trouver cet amour idolâtré, cette famille mondaine qui les a rejetées par jalousie, pour provoquer à travers elle le retour de l’homme vers la femme châtiée qui n’a cessé d’attendre.
Des phrases courtes parfois tronquées donnent une respiration haletante à ce récit. L’auteur nous transporte parfois dans une irréalité volontaire, transformant l’histoire en un mythe qui montre que ce pays n’est pas réduit à la réalité avec " les soldats qui combattent et les femmes qui se sacrifient" mais peut aussi espérer la force et la beauté d’une scène d’amour entre un père et sa fille.
Kaoutar Harchi, très jeune romancière, a le style et l’univers d’une tragédienne.
Puissant
Roman méditerranéen à l'écriture puissante qui pose la question de l'émancipation, mais aussi la recherche du père , la lutte contre l'indifférence d'une mère aliénée, l'enfermement. Aucun nom ou prénom n'est prononcé, le texte est torturé et douloureux et l'histoire de cette toute jeune fille est bouleversante et intemporelle.
Magnifique et difficile