Voilà un p'tit gars, Pedro des favelas, dont on pourrait bien se souvenir longtemps. Parce qu'il fait partie de ceux qui n'ont rien, ou pas grand-chose, de génération en génération, la misère pour fondation, et l'avenir réduit à peau de chagrin. Parce que d'avoir rien, ça va un temps, mais en fin de compte, pas de raison que ça ne change pas. Pedro, c'est un gamin qui a la cœur aussi tendre que son sang est bouillant. Et un grand projet derrière la tête.
Supermarché se fait le portrait d'une jeunesse désabusée, plus habituée à en chier qu'à profiter de la vie, porté par
une voix exaltante, fiévreuse. Une voix qui grince comme un argot des venelles malfamées, qui suinte la chaleur sur la peau et dans les pognes serrées comme des poings. Une voix qui part du trottoir direct vers le ciel. Qui vient te chatouiller sous le menton pour te faire marrer, vient ensuite te triturer le tympan pour te faire chialer un peu.
Pedro c'est beau parleur et Socrate, Dickens et la poudre aux yeux. Un héros de peu avec des idées plein la tronche, des idées chevaleresques, justes comme on peut être juste dans l'injustice d'une domination.
Pedro, c'est le type au comptoir, que tu croises un peu tard dans la soirée, il a un verre dans le nez mais les idées claires malgré tout, et il te les fait swinguer ses idées, ses réflexions sur notre société, sur la meilleure façon de s'en sortir, de la philosophie made in débrouille, de la philosophie sans chichis, du crin au falzar sans passer par la selle.
Roman pas mal dingue, coup de vent calibre .12 sur la littérature sud-américaine, hyper touchant, sanguin et boule au ventre. De ce genre que tu lis sans jamais vouloir qu'il s'arrête, et qu'en même temps veux absolument connaître le dénouement.
C'est follement attachant, génialement délirant.
De l'extase sur un tas de merde, il aurait dit Pedro, une épiphanie dans une époque à chier.
La roue du malheur
Pour faire exploser de la dynamite, il faut juste allumer le feu au bout de la mèche et attendre que la flamme atteigne le bâton.
Dès le début de ce roman justicier issu des détritus et de la misère des favelas, on sait que cela va, tôt ou tard, exploser : on le sent la boule au ventre. Mais l'on ne s'attend pas à cette fin-là.
Entre Tarantino, les frères Cohen et "Crime et châtiment", on suit l'évolution de ces quelques personnages en quête de rédemption auxquels on s'attache comme on s'attache à des losers.
Un portrait sombre du Brésil de nos jours, loin des images luisantes de Copacabana et du Carnaval de Rio.