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" M. de Coëtquidan descendit l'étage, et pénétra dans la cuisine. Dans le sucrier, il prit trois sucres, dans un compotier, trois noix ; le tout fut empoché. Un litre de vin rouge était entamé ; il en mit le goulot à sa bouche, en but la valeur d'un verre, s'essuyant la bouche avec le revers de son veston. Il trempa dans la confiture une cuiller, et s'en fit du bien. Il était en train de laver la cuiller - tout cela dans le plus grand silence - quand, derrière la porte, une voix trémulante cria :
- Qui est là ? "
Les Célibataires ont valu à leur auteur le Grand Prix de Littérature de l'Académie française.
Œuvres de Montherlant, dans la même collection :
Les jeunes filles, Pitié pour les femmes, Le démon du bien, Les lépreuses, La reine morte, Le maître de Santiago, La mort qui fait le trottoir (Don Juan).
L'animal dépouillé de son fard
Montherlant dépiaute l’animal humain, l’étire à quatre épingles et nous montre, en fin connaisseur du genre, toutes leurs faiblesses. Les hommes, les femmes ; les aristos, les gens du peuple ; personne n’est épargné.
Léon de Coantré, si timide, et pourtant mesquin, radin, pusillanime, vit avec son oncle, Élie de Coëtquidan, un breton méchant, sale, aigri. Octave de Coëtquidan, plus prétentieux que son frère, joue le « genre moderne américain » en glissant des mots anglais dans toutes ses phrases ; mais il est aussi coincé, lâche et vénal que les autres. Les trois hommes, célibataires et engoncés dans leur paresse quotidienne, vivent de leur petitesse et de leur médiocrité. Bourgeois et pauvres, ils doivent quitter la demeure familiale, dont le loyer est devenu trop élevé, et gagner de l’argent. Partant de cette condition, Montherlant suit les traces de leurs sécrétions : les « gens du monde » ne sortiront pas indemnes d’un roman féroce, impoli et follement transgressif.
Le style est jubilatoire ; on palpe le plaisir d’écrire, de dépouiller le genre humain ; on jubile ; on adore. Montherlant, délecté des entrailles humaines, plie la langue française à ses exigences, sans jamais être lassant ni faux, non plus que lourd et banal.
On ferme le livre repu, heureux d’avoir rencontré un auteur rare, sublime et surprenant.
L'intégralité de la critique (avec citations) sur mon blog :
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