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Martin Heidegger sans fard ni travestissement.
" Le national-socialisme est un principe barbare", écrit Martin Heidegger dans ses Cahiers noirs, ajoutant : " C'est ce qui lui est essentiel et sa possible grandeur. " Révolutionnaire radical, ayant vu et approuvé le caractère destructeur du nazisme, le recteur de Fribourg a réservé d'autres surprises dans ses journaux philosophiques, dans lesquels il évoque par exemple l'" auto-anéantissement du "juif? ".
Alors que le philosophe est devenu un objet d'incompréhension et d'horreur, nombre de spécialistes en appellent désormais à l'histoire. C'est cette réhistoricisation que l'auteur a entreprise dans ce livre. Refusant la polémique, l'adoration et la détestation, il s'emploie à comprendre l'homme et le penseur, de l'intérieur et en son temps, par le biais de toutes les sources disponibles : cours, lettres, textes de circonstance, de même que les Cahiers noirs qui suscitent tant d'émoi.
Excédant largement le IIIe Reich, le cheminement de Heidegger fut heurté : il commença par un catholicisme intransigeant, qui laissa la place, après la Première Guerre mondiale, à une volonté farouche de révolution philosophique, terreau dans lequel son nazisme vint jeter de profondes racines qui survécurent à l'effondrement du régime d'Adolf Hitler.
De cette biographie se dégage un portrait fait d'ombres et de lumières : grand philosophe, maître, ami ou amant de juifs ou d'étrangers, Heidegger fut aussi un nationaliste antisémite, inquiet de l'" enjuivement " de son peuple et soucieux de son rôle historique prééminent.
RECOMMANDÉ PAR LE SITE CULTURE-CHRONIQUE
Voilà le livre qu’il fallait écrire sur l’affaire Martin Heidegger car il s’agit bien d’une affaire qui dure depuis les premières années de l’après guerre, affaire dont les remous n’ont pas épargné la France, loin de là. En effet la petite communauté heideggerienne française a eu bien du mal à accepter le passé de l’ancien recteur de l’université de Fribourg. Guillaume Payen dans cette biographie, ne propose ni dossier à charge, ni plaidoyer en faveur du penseur allemand, son ouvrage reprend le parcours du philosophe depuis ses jeunes années jusqu’aux derniers rebondissements de l’affaire.
Heidegger qui écrivit “le national-socialisme est un principe barbare” en ajoutant “C’est ce qui lui est essentiel et sa possible grandeur” n’a pas hésité non plus à annoncer “l’auto-anéantissement du “juif”. Lui qui était pourtant proche de nombreux juifs allemands n’a pas hésité à leur tourner le dos et à les abandonner à leur sort. Les faits sont tellement accablants qu’il il est, en définitive, bien inutile de prendre position sur le sujet.
Il faut d’abord saluer l’énorme travail de documentation qu’a effectué l’historien ne négligeant aucun document y compris radiophoniques et télévisuels. L’ouvrage est rythmé sur quatre temps et il se lit comme le roman d’une vie et au delà puisque Payen s’intéresse aux rebondissements de l’affaire après 1976 date du décès du philosophe. Il faut aussi souligner la qualité de la rédaction de Payen qui page après page nous permet de lire cette biographie comme un passionnant roman historique. Il n’est pas si habituel de prendre du plaisir de bout en bout à la lecture tels ouvrages.
Pour Payen Heidegger vit dans le nazisme un instrument de sa propre révolution pour faire table rase de la culture antérieure pour qu’il pût donner ensuite un contenu philosophique au nouveau régime mais son adhésion à l’idéologie nazie était plus large. C’est ce que démontre l’ouvrage en s’intéressant aux différentes périodes de la vie du philosophe que l’historien explore avec toutes les ressources que l’analyse historique procure.
L’oeuvre philosophique d’Heidegger est trop importante pour qu’on ne s’intéresse pas à ses engagements et à ses erreurs qui correspondent à celles de sont temps. Au terme de de cette remarquable biographie qui annexe le philosophe à l’historiographie, vous aurez suffisamment d’éléments pour juger le parcours du philosophe de Todtnauberg.
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE)