En cours de chargement...
Du 8 octobre au 3 décembre 1956, semaine après semaine, l'hebdomadaire Qui ? Détective publie La vie secrète des clochards de Paris, neuf articles signés Robert Giraud, envoyé spécial au royaume de la cloche. Cette exploration de la Ville lumière côté ombre est aussi une chronique du petit peuple des rues, un hommage à ceux qui paient d'une incommensurable misère une liberté toute relative. Quand paraît cette pittoresque enquête - ainsi est-elle présentée au lecteur, son livre -, Le vin des rues, publié il y a tout juste un an, lui confère une réputation, pourtant non revendiquée, d'expert ès gens bizarres : tatoués, putes, clochards, mais aussi mythomanes, illuminés et excentriques.
Ce sont les derniers représentants d'un Paris véritablement insolite. À la manière de leurs lointains ancêtres de la légendaire cour des Miracles. Est-il utile de le préciser, Bob travaille dans la finesse. Il ne s'intéresse pas au tout-venant. Non pas qu'il soit snob, mais il aime le particulier, l'histoire singulière dont il pourra régaler les copains. C'est son moteur, cette quête d'insolite, de fantastique social.
La cloche à Paris
Il a parfois fait la paire avec Robert Doisneau, les deux Robert... Chronique et photos, un tandem. publiés dans un hebdo des années 50, le reportage avait pour titre : "la vie secrète des clochards de Paris" et aussi "le vin des rues". C'est une suite de textes absolument incroyables, une immersion, un petit joyau de la littérature populaire et parfois du fantastique sociale. C'est un tout un peuple qu'il nous décrit, fait de milliers d'individus et de quelques personnalités incroyables ("Il n'en manque pas dans la légion de la guenille"), récit d'un monde en parti disparu ou presque qui vit de tout pour gagner sa croûte et surtout son grand verre de vin ("la cheminée"). On ramasse tout, on braconne, on vole des chiens et au hasard des poubelles ou de la mitraille, une discussion, un récit s'engage. "Tu ne peux pas t'imaginer combien il y a de type qui se promènent le ventre vide à Paris, c'est dommage qu'il n'y ait pas de statistiques..." La rue a ses rois, ses Durand, ses gargouilles, ses histoires, ses zones d'ombre. "La cloche, en argot, c'est le ciel. Sont clochard tous ceux qui n'ont que le ciel pour toi".
http://robertgiraud.blog.lemonde.fr