Stephen Desberg se destinait en premier lieu à la musique, mais les hasards des rencontres lui ont permis de mettre un pied dans la bande dessinée, via de courtes histoires pour le journal « Tintin » et des séries tout public chez « Spirou » parmi lesquelles « Billy The Cat ». Cette dernière connaîtra d'ailleurs une adaptation en dessin animé, réalisée avec Colman. Se prenant au jeu, il scénarise ensuite de somptueux one shot avec le regretté Will.
Ces derniers amorcent une transition vers davantage de réalisme, registre dont Desberg va devenir l'un des grands. Né à Bruxelles d'un père américain, il a toujours suivi avec attention l'actualité de son « autre pays », et a beaucoup réfléchi à la nature profonde des États-Unis. De ces réflexions sont nées des séries telles que « I. R.$. », « Tosca », « Black OP », « Rafales » ou « Sherman ». Féru d'Histoire, il délaisse volontiers le contemporain pour des siècles plus anciens, allant de la Rome antique de « Cassio » au Far-West de « L'Étoile du Désert », en passant par l'Italie du dix-huitième siècle avec « Le Scorpion ».
Mais, toutes ses séries sont liées par cette volonté d'interroger la nature de l'homme, son besoin de croire, et sa capacité à utiliser le mythe (qu'il soit historique ou religieux) en tant qu'outil politique. Toujours proactif, il essaie également de faire évoluer le mode de conception des BD franco-belges en créant des séries parallèles à "I. R.$." avec les projets « All Watcher », « I. R.$. Team » ou encore l'ambitieux « Empire USA » conçu avec non moins de six dessinateurs.
Photo : L. Melikian
De son enfance, Griffo se souvient de l'odeur de la peinture à l'huile émanant de l'atelier de son père, lequel passait des heures à reproduire des toiles de maître. Une influence déterminante sur le jeune Werner Goelen, qui intègre les Beaux-Arts d'Anvers à l'âge de 15 ans. Il y apprend à décortiquer les styles de tous les auteurs de B. D. qui l'ont fasciné, passant de l'un à l'autre avec la même décontraction.
Cet éclectisme deviendra le mot d'ordre de sa carrière. En effet, Griffo est capable de changer son style en fonction du récit, une façon d'éviter la routine tout en explorant sans cesse de nouvelles pistes. Ainsi, s'il démarre dans les pages du Journal "Tintin" en reprenant "Modeste et Pompon", il collabore ensuite avec des scénaristes aussi divers et prestigieux que Van Hamme, Dufaux, DiGiorgio, Swolfs, Cothias, ou Desberg autour de récits où se croisent aventure, onirisme, profondeur psychologique, poésie et/ou action soutenue.
Autant de qualités que son trait protéiforme restitue à merveille. Plus récemment, on l'a vu se mettre à la peinture numérique pour les besoins d' « Ellis », sur un scénario de Latour - preuve s'il en fallait qu'une soixantaine d'années ne constitue jamais qu'un bon début dans la vie d'artiste !
Pas en or, mais pas mal
Ambiance assez sombre comme souvent dans les univers sortis de l'imagination de Desberg, on est vite pris par l'intrigue. Tout est soigné. Les dessins, la mise en page, les couleurs, les textes. On est dedans en quelques cases à peine.
On ne nous livre pas trop d'éléments, juste assez pour nous appâter, nous rendre accro. Je connais assez bien ce procédé, mais malgré tout, je me laisse avoir. Je le veux bien. Je n'oppose pas une grande résistance. C'est si bon de céder à la tentation.
Les personnages sont bien définis, enfin nous le croyons. Nous ne sommes pas au bout de nos surprises à mon avis.
Évidemment, on dévore ces pages et on désire la suite. Pour ma part, je vais devoir attendre un peu, lors d'une prochaine visite à la médiathèque, en espérant que celle-ci n'aura pas été empruntée.