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Qui suis-je ? s'interroge André Breton au tout début de Nadja. " Pourquoi, ajoute-t-il, tout ne reviendrait-il pas à savoir qui je hante ? " Il a longtemps hanté l'auteur de ce livre, qui l'a conçu comme un exorcisme qui procèderait par analyse. Connaître Breton, c'est à la fois l'admirer, l'aimer peut-être, et rendre l'écrivain au domaine auquel il appartient et qui n'est rien de moins que celui de la littérature.
Mais c'est aussi approcher un homme affligé d'une " coupure de l'esprit ", d'une perte de contact avec la réalité et d'un conflit insurmontable entre le Moi et le monde. Y aurait-il " deux Breton " ? Le poète issu du romantisme, animé d'une véritable mystique de la poésie, incarnant la figure du poète voyant dont Victor Hugo fut le plus grand exemple, égaré dans un XXe siècle qui n'était pas à sa mesure, et dont les vrais contemporains s'appelaient Baudelaire, Mallarmé, Rimbaud, Lautréamont ; et le " Pape du surréalisme ", l'intransigeant chef d'école, le théoricien dogmatique emmuré dans ses certitudes, qui s'engagea aveuglément dans les combats politiques d'un temps qui n'était pas le sien ? D'où la contradiction dont il était prisonnier, tourmenté comme les grands mystiques par le divorce éternel de la réalité et du rêve, qu'il va sans cesse revivre et repenser sans parvenir à le surmonter.
Sous le personnage orgueilleux, dominateur et parfois odieux dans lequel il se cuirassait, se cachait un être hanté par l'absolu, assoiffé de spiritualité, habité par le doute pascalien et par une lucide douleur.