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À découvrir
Silvère Long n'a pas fini de compléter son profil
L’intérêt majeur du roman réside dans la capacité de l’auteur à brosser un portrait de la Chine de la deuxième moitié du XXe siècle – de la révolution culturelle des années 1960 jusqu’à la conversion brutale du pays au capitalisme moderne – sans pour autant que cette toile de fond empiète sur la fiction : on dévore l’histoire de ces deux demi-frères radicalement différents mais dont les destins sont intimement liés. Cela est dû principalement à une écriture fluide et un ton humoristique particulièrement bien dosé. Le lecteur ne s’ennuie jamais car le récit, qui s’étale sur plus d’un demi-siècle, enchaîne les péripéties. Le roman est plutôt cru : il faut voir, dans les premières scènes, Li Guangtou chercher "à mater le cul des filles" ou plus tard monter sa propre entreprise d’hymens artificiels ; les éruptions de pets et de morves sont aussi assez fréquentes ! Cette gouaille caractérise ce gros pavé (plus de 900 pages dans la collection poche Babel) et lui donne sa couleur généreuse, presque gargantuesque.
J’adore Florent Marchet ; je le considère comme l’un des chanteurs français contemporains les plus brillants de sa génération, tant pour ses paroles que pour ses arrangements d’orfèvre. J’aime aussi beaucoup Arnaud Cathrine et sa prose mélancolique et poétique... Du coup, je ne pouvais qu’être séduit d’emblée par ce projet réunissant les deux artistes amis, une sorte de roman musical écrit et composé à quatre mains !
Alors, qu’en est-il vraiment de ce "Frère Animal" ? Il s’agit d’un conte contemporain mettant en scène une entreprise tentaculaire, la SINOC. On
est ému d’abord par les parcours des différents salariés de la firme : Jean, le père, pour qui le métier constitue toute sa vie ; Maxime, "le vieil enfant" qui est rejeté par l’entreprise en raison de son âge ; Thibaut, le fils, un jeune idéaliste révolutionnaire qui s’oppose en bloc aux valeurs de l’entreprise ; Renaud, le jeune cadre dynamique ambitieux qui gravit progressivement les échelons au sein de l’entreprise ; le DRH, personnage froid et cynique faisant froid dans le dos… Surtout, on est surpris par la cruauté et la noirceur que dégage le texte : la Mère SINOC apparaît comme une industrie totalitaire et carcérale, ayant une emprise complète sur l’existence de ses protégés complètement aliénés. Je n’ai pas encore mentionné la musique : sublime, envoutante, qui se teinte de mélodies pop et rock, mais qui reste discrète pour laisser s’épanouir pleinement le texte.
Il s’agit d’un roman à la fois amer et émouvant, un récit engagé qui nous fait réfléchir sur la place de l’entreprise et du travail dans nos vies.
On prend les mêmes et on recommence ?
Après leur hilarant "10 petits insectes", Davide Cali (au scénario) et Vincent Pianina (au dessin) remettent le couvert avec ces "10 petits insectes dans le brouillard".
Précisons d’abord qu’il ne s’agit pas d’une suite à proprement parler et que les deux BD peuvent se lire de façon indépendante. Certes, si l’on retrouve les différents personnages du premier tome (le phasme, la mante religieuse, la mouche, etc.), ces derniers jouent un rôle complètement différents ; l’histoire en elle-même est totalement inédite et n’a rien à voir avec la précédente.
Si le premier volet des 10 petits insectes m’avait littéralement enchanté et séduit, celui-ci me laisse un peu sur ma faim... Plusieurs raisons viennent expliquer ma déception. Déjà, l’originalité que l’on avait pu ressentir en découvrant la caractéristique des personnages (ce sont des insectes) n’opère plus. De plus, l’histoire cette fois-ci ne fait plus référence directement à un classique de la littérature ce qui fait que l’on perd assez en terme d’humour parodique : du coup, le public adulte peut trouver moins de plaisir à la lecture de cet album, dans la mesure où le récit est plus linéaire, sans second degré. Enfin, l’intrigue est assez mal découpée je trouve, avec une succession de scènes sans vraiment de fil rouge et surtout une fin en queue de poisson... Restent quelques moments assez drôles malgré tout et les dessins minimalistes toujours plein de charmes.