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Dans l'histoire de l'antisémitisme moderne, le rôle joué par Richard Wagner (1813-1883) est aussi important qu'incomparable. Par son essai polémique publié en 1850, Das Judenthum in der Musik ("La juiverie dans la musique"), où il prend pour cible les Juifs dont il dénonce l'influence selon lui polymorphe et corruptrice, il a largement contribué à la formation de l'antisémitisme moderne en tant que "code culturel".
Ce pamphlet, réédité dans une version augmentée en 1869, fut suivi d'autres textes où Wagner a précisé ou développé ses prises de position antijuives. Wagner voit dans l'émancipation des Juifs la cause principale de "l'enjuivement" (Verjiidung) des sociétés modernes où ils ont pris place, accélérant ainsi la "décadence" des formes artistiques. Sa thèse centrale est que les Juifs ont transformé l'art en marchandise.
En dénonçant le monde moderne comme "enjuivé", c'est-à-dire "dégénéré", Wagner rejoint sur un point essentiel les polémistes antimodernes. Dans le triomphe du modernisme, porté autant par la "puissance de l'argent" que par la "puissance de la plume" (celle du journaliste) et les séductions trompeuses de "la mode", il voit une "victoire du monde juif moderne". L'antisémitisme wagnérien représente ainsi le prototype de l'antisémitisme "révolutionnaire conservateur".
Wagner a esquissé un programme de régénération du monde moderne qui tient en une formule : "désenjuiver" la culture européenne. En comprenant ce "désenjuivement" comme une libération des peuples européens, les wagnériens pangermanistes ont ouvert la voie à l'antisémitisme "rédempteur" qui sera au coeur de la doctrine hitlérienne...